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Haïti-France : Une partenaire en campagne pré-électorale

Par Odéël Dorcéus

Soumis à AlterPresse le 7 octobre 2011

Les 9 et 16 octobre 2011 marqueront « officieusement » le lancement de la campagne électorale française. Le Parti Socialiste et ses « alliés » organisent des primaires pour désigner son ou sa candidat(e) à l’élection présidentielle du 22 avril 2012 (1er tour) et 6 mai 2012(2ème tour) [1]. Ils sont 6 candidats dont 2 femmes et 4 hommes. Selon les sondages les favoris sont, par ordre alphabétique, Mme Martine AUBRY, M. François HOLLANDE, Mme Ségolène ROYAL,….

Le premier débat télévisé avec les 6 candidats a eu lieu le jeudi 15 septembre 2011dans l’émission « Des Paroles, Des Actes » sur une grande chaine publique de la télévision française. Ces primaires sont une première dans la démocratie française par le mode de désignation du candidat. En effet, « tous les électeurs inscrits sur les listes électorales peuvent voter, à condition de s’acquitter d’un euro (environ 55 Gourdes) de participation aux frais d’organisation et de se reconnaître dans les valeurs de la gauche et de la République » [2].

Contexte interne

Le 1er octobre 2011, le Sénat français a élu pour la première fois un président issu de la gauche, le socialiste, Jean-Pierre BEL. Cette première sur la Vème République (Constitution de 1968) [3] est historique pour la gauche qui présage déjà une année 2012 en rose. Ce basculement du Sénat a eu lieu lors des élections du 25 septembre 2011 au suffrage universel indirect : le corps électoral était évalué à 71 951 grands électeurs constitué des délégués, des conseillers municipaux, des députés, des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des délégués de français de l’étranger. Près de la moitié du Sénat a été renouvelé 170 sièges sur un totale de 348 sièges. Le parti présidentiel UMP (Union pour un mouvement populaire) [4] accuse le coup et rappelle que cette défaite est le fruit des victoires régulières de la gauche dans les scrutins locaux.

Le président français Nicolas SARKOZY, premier président de la République française à se rendre en République d’Haïti le 17 février 2010 (Haïti était une ancienne colonie française jusqu’à la date du 1er janvier 1804) semble être le candidat naturel de la droite et du parti UMP, du moins d’après ce que disent pour l’instant les ténors de la droite. Connaissant les mésaventures de Dominique STRAUSS-KHAN, certains au sein de la droite peuvent penser tout bas que le président sortant pourrait être aussi empêché. Une chose est certaine, l’opinion publique française reste très partagée sur l’action du président sortant. Ce dernier peut toujours compter sur ses succès militaires en Côte-d’Ivoire et en Libye.

Les thèmes suivants seront les préoccupations des candidats : le chômage (9%), le niveau de la pension de retraite, le pouvoir d’achat, la sécurité, l’endettement public, l’immigration, le nucléaire (la catastrophe de Fukushima est dans toutes les têtes), l’Europe et l’euro, la mondialisation…

Selon l’angle d’attaque des thèmes précédents, le parti de l’extrême droite a un coup à jouer. Son niveau de popularité fait craindre aux analystes politiques et aux ténors des grands partis ce qu’ils appellent « le 21 avril à l’envers ». Le 21 avril 2002, le candidat de la gauche, Lionel JOSPIN, avait été éliminé dès le 1er tour au dépend du candidat de Front National (FN), Jean-Marie LE PEN. Le « 21 avril à l’envers » pourrait toucher le candidat de la droite si l’opinion se cristallise contre lui ou en cas de multiplication des candidatures.

Dans les « primaires citoyennes » de la gauche, l’idée que le militant du parti de la droite aillent voter pour choisir un candidat de moindre envergure pour affronter le président sortant n’est pas farfelue en soi mais selon un éditorialiste, Michel NOBLECOURT, cela relèverait du fantasme [5].

Contexte européen et international

Les souvenirs de la crise de « Subprime », débutée officiellement à l’automne 2008, avec la faillite de la banque d’investissement multinationale Lehman Brothers ne sont pas oubliés et commence depuis quelques mois la crise de la dette souveraine des états. Devant le faible taux de croissant de la France (0% au deuxième trimestre de 2011) [6] et son niveau d’endettement (plus de 80% du PIB) [7], les français s’inquiètent de l’avenir de leur pays dans la zone euro. L’exemple de la cure d’austérité imposée à la Grèce par le Fond Monétaire International (FMI) et l’Union Européenne (UE) n’est pas fait pour les rassurer. [8] D’ailleurs « Un grand journal populaire allemand, le Bild, exhortait les Grecs à vendre leurs îles – « et l’Acropole avec ! » avant d’appeler à une aide au crédit. » [9]

La Grèce est arrimée à l’Euro, il devient très difficile pour les européens et notamment l’axe Paris-Berlin d’abandonner la Grèce alors que l’Italie, l’Espagne et le Portugal sont menacées. La presse anglo-saxonne appelle ces pays les PIGS (Portugal, Italie, Grece, Espagne). [10].

Pour conclure

L’Histoire récente d’Haïti montre que les Etats-Unis et la France continuent à occuper une place importante dans notre évolution. Comme ci deux puissants de premier plan ne suffisaient pas, maintenant nous devons composer avec les puissances montantes notamment le Brésil, l’Argentine, le Canada et les autres membres de la MINUSTHA dans cette mission de l’ONU. La MINISTHA a montré ses limites le 12 janvier 2010 lors du séisme ravageur affaiblissant d’avantage nos moyens économiques et institutionnels. Les limites de la MINUSTHA étaient flagrantes lorsque la France et les Etats-Unis sont entrés en concurrences pour savoir qui seraient le premier à imposer une présence militaire massive sur le sol haïtien au lendemain du séisme. M. Barack OBAMA a fait comprendre clairement à M. SARKOZY que la doctrine de MONROE datant de 1823 était toujours d’actualité en 2010 – l’Amérique appartient aux Américains. Comme nous haïtiens, nous ne sommes pas moins américains que ceux et celles des Etats-Unis d’Amérique, de Chili,…, alors nous avons encore notre place sur l’échiquier.

La crise de l’Etat grecque nous montre que les pays occidentaux (France, Etats-Unis…) ont vécu au dessus de leurs moyens depuis de décennies et que leurs marges de manœuvre sont très restreintes au niveau budgétaire. Si nous croyons encore que nous aurons le 10 milliards de dollars de promesses des pays dits donateurs lors de la conférence de New York (31 mars 2010) pour entamer la reconstruction d’Haïti, nous risquons d’attendre très long. Certes, nous ne pouvons pas nous en sortir seul mais nous devons innover dans notre conception politique.

De nombreuses voix s’élèvent en Haïti pour accuser certaines dérives autoritaires [11] de M. Michel Martelly, président de la République d’ Haïti. L’un des remèdes contre le populisme et les dérives autoritaires commence avant tout dans la construction des partis politiques et de la société civile dans lesquels l’expression démocratique doit être totale. Quelque soit le résultat de l’élection présidentielle française en mai 2012, le parti Socialiste français et son allié le parti Radical de Gauche auront montré qu’il est possible de s’affronter dans les débats d’idées pour faire gagner le parti. C’est un exercice difficile mais les uns et les autres semblent jouer le jeu. Dans le cas d’Haïti, tout le monde veut bien faire et aller vite. M. Martelly n’est pas différent de nous autres : nous avons perdu plus de 30 ans pour débattre de nos orientations collectives, quelques mois ne nous ferons pas de mal pour poser les problèmes afin que la population haïtienne et les responsables politiques comprennent les enjeux et les conséquences pour les générations futures d’Haïti que nous souhaitons voir libre, souverain et sans occupations d’une armée externe.


[5Michel NOBLECOURT : « le risque d’infiltration du scrutin relèverait du fantasme »
http://issuu.com/bollore/docs/direct_matin_-_edition_paris_ile-de-france_944

[7France-Soir : Dette française : Et de 46 milliards de plus qui font 1.692 milliards !
http://www.francesoir.fr/actualite/economie/dette-francaise-et-46-milliards-plus-qui-font-1692-milliards-142742.html

[9Gerd HÖHLER : Désamour entre la Grèce et l’Allemagne : « Merkel toi-même ! »
http://www.cafebabel.fr/article/38830/desamour-grece-allemagne-merkel-toi-meme.html

[11Les dérives du Président Martelly, Steven Benoit fait le point
http://radiotelevisioncaraibes.com/nouvelles/haiti/senateur-benoit-enumere-les-derives-de-martelly.html