Correspondance Ronel Odatte
P-au-P, 23 sept. 2011 [AlterPresse] --- Dans certaines communes du Plateau Central quémander de l’argent ou de la nourriture est une activité comme une autre, et la misère sans voile pousse des dizaines de personnes la nuit vers des lieux déserts et mal famés.
« Je ne sais pas quoi faire d’autre. Je ne sais ni lire ni écrire. Mes parents eux aussi étaient des démunis, et ils ne m’ont rien laissé comme héritage », indique Immacula Joseph, une sexagénaire originaire de la section de Juanaria (Hinche).
Elle est la mère de 4 enfants et son mari est décédé il y a 5 ans. Son travail : « demander la charité ».
Dans la commune de Hinche, ils sont des dizaines à se donner rendez-vous tous les matins devant l’ancienne et la nouvelle cathédrale, tandis que d’autres préfèrent se rendre tous les mois devant le presbytère de la ville, appelant la bonne fortune du ciel ou celle des « chrétiens vivants ».
Des vieillards, des jeunes de moins de 20 ans, des femmes enceintes, des enfants... : demander la charité semble ignorer les générations. Et à la tombée de la nuit, la grande place Charlemagne Péralte, les maisons abandonnées, les galeries non protégées sont les principales demeures de ces démunis qui n’ont pas mieux comme toit au-dessus de leur tête.
« Je suis membre d’une famille composée de 11 personnes, je dois prendre soin de mes parents, payer les frais scolaires de mes frères et sœurs, assister mes cousins, et je m’occupe d’autres personnes qui ne peuvent se procurer un plat chaud quotidiennement », explique Eben Altéas, censeur du lycée de Cerca-la-Source.
Selon Eben Alteas, la misère et la faim ont pris une propension inquiétante. Certains peuvent bien avoir moins d’un dollar pas jour pour vivre, mais d’autres se lèvent sans savoir s’ils pourront jamais avoir quelque chose à manger, souligne t-il.
D’après les données préliminaires d’une étude réalisée par la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA), 45% de la population haïtienne se trouve en situation d’insécurité alimentaire.
Par ailleurs, la pauvreté oblige continuellement des centaines de jeunes à abandonner leurs études pour se diriger vers la République Dominicaine, fait valoir Patrick Louis, originaire de Cerca-la-Source, et étudiant à la faculté d’agronomie de l’université Queensland.
« Notre commune est privée de tout. Je suis un privilégié du fait d’avoir eu la chance de fréquenter un centre universitaire », ajoute Louis qui dit vouloir se mettre au service de sa communauté.
La majorité des habitants du Plateau Central s’adonnent à une agriculture de subsistance, car écouler les produits est très difficile, compte tenu du mauvais état des routes. Il faut mettre plus de quatre heures de temps pour parcourir en camion les 30 kms qui séparent Hinche de Cerca-la-Source.
« L’accès aux services sociaux de base, tels l’eau potable, un centre de santé bien équipé, une école professionnelle, l’électricité sont des revendications que les autorités centrales doivent satisfaire immédiatement », estime Eben Altéas.
En attendant, des voix continuent de s’élever vers la nef de l’église Saint François d’Assise, rejointes en cœur par les lamentations en provenance des églises protestantes. La même prière, plusieurs demandes : de la nourriture, un logement, un emploi, des soins de santé, l’instruction. [ro kft gp apr 23/09/2011 11 :00]