P-au-P., 12 Févr. 2004 [AlterPresse] --- La Plate-forme démocratique, l’une des principales forces d’opposition au maintien de Jean Bertrand Aristide au pouvoir en Haïti, entamera dans l’immédiat une campagne de consultations avec les secteurs organisés et productifs nationaux afin de bloquer totalement le pays face à l’option de violence préconisée par le régime lavalas.
« Nous ne disposons pas de mitraillettes et nous ne cherchons pas à en avoir. Mais, nous avons notre courage, notre conviction et notre sens de sacrifice. C’est pourquoi, nous appelons tous les secteurs, y compris les propriétaires des stations d’essence et la diaspora, à se préparer à la paralysie de l’ensemble des activités sur le territoire », a averti le dirigeant politique Evans Paul.
Les responsables de la plate-forme démocratique ont convié les habitants de tous les départements géographiques à rejoindre la mobilisation « non violente » pour aboutir à la démission de Jean-Bertrand Aristide du pouvoir en Haïti.
Ils s’exprimaient le jeudi 12 février 2004 au cours d’une conférence de presse devant un parterre de médias nationaux et internationaux, quelques heures après la manifestation avortée par les partisans armés du pouvoir lavalas qui ont interdit le démarrage du mouvement de rues sur la place du Canapé Vert, à proximité d’un sous-commissariat de police à l’est de Port-au-Prince.
« Nous ne voulons pas que le sang coule, notre mouvement est non violent à l’exemple de Martin Luther King et du Mahatma Gandhi », a pour sa part précisé André Apaid Junior, coordonnateur du groupe des 184 membre de la plate-forme démocratique.
Estimant que les manifestations de rue représentent la seule arme en leur possession face au climat de violence en cours, le regroupement d’organisations de la société et de partis politiques a tout de même annoncé une nouvelle manifestation anti-Aristide pour le dimanche 15 février 2004, tout en dénonçant les « situations apparentes » orchestrées par le régime lavalas pour « forcer la population à investir les commissariats de police ».
« Il ne faut pas faire un amalgame de la situation extrêmement difficile que nous vivons dans le pays. Essayer d’associer l’opposition haïtienne, regroupée au sein de la plate-forme démocratique, avec ce qui se passe aux Gonaïves (ville située à 171 kilomètres de la capitale, contrôlée depuis le 5 février 2004 par le Front armé de Résistance anti-Aristide) relève de l’exagération. Nous n’avons rien à voir avec les violences qui frappent le pays, nous sommes une organisation non violente et nous allons continuer à demander à la population de sortir dans les rues pour demander le départ d’Aristide », a soutenu Marie Denise Claude de la plate-forme démocratique, répondant à une question sur la part de responsabilité de ce regroupement d’opposition dans ce qui s’apparenterait aux signes avant-coureurs d’une « guerre civile » en Haïti.
Au lieu de s’attendre à recevoir à Guantanamo (Cuba) 50,000 ressortissants haïtiens, qui pourraient s’enfuir du pays, les Etats-Unis d’Amérique devraient plutôt se préparer à accueillir « Jean Bertrand Aristide, un président délinquant, hors-la-loi et commanditaire des actes de violence répétés sur le territoire d’Haïti », a souligné la plate-forme démocratique, sans mettre de côté le rôle joué par le Premier Ministre lavalas Yvon Neptune, le ministre de l’Intérieur Jocelerme Privert et le secrétaire d’Etat au Travail, Jean Claude Jean-Baptiste dont le nom est cité dans divers actes repréhensibles perpétrés ces derniers mois par la milice lavalas.
La crise actuelle en Haïti risque d’empirer si les Etats-Unis d’Amérique ne prennent pas sérieusement en compte ce qui se passe aujourd’hui dans le pays, a dit André Apaid Junior qui a stigmatisé les manœuvres de provocation et de piège qu’a essayé de tendre le régime lavalas avec la nouvelle donne d’abandon des commissariats dans différentes communes depuis la première semaine de février 2004.
« Nous invitons la population à ne pas tomber dans ces manœuvres. Le feu qui brûle, les maisons incendiées ces derniers jours en différents points du territoire renvoient au « chaud » (pesant) soleil qu’a annoncé Aristide le 7 février 2004. Depuis, 6 personnes ont été assassinées à Cité Soleil, les résidences de plusieurs personnes ont été incendiées à Saint-Marc (à 96 kilomètres au nord de la capitale) et dans d’autres villes comme le Cap-Haïtien (à 248 kilomètres au nord de Port-au-Prince) ».
La plate-forme démocratique a, par ailleurs, invité à la solidarité en faveur de différentes communautés victimes de la violence dans le Nord, le Nord-Est, le Nord-Ouest et l’Artibonite.
Pour les représentants de la plate-forme, il importe de renforcer le réveil institutionnel contre Jean-Bertrand Aristide qui a déclaré la guerre au peuple haïtien en s’attaquant à tous les secteurs organisés de la société : journalistes, étudiants, recteur de l’Université, gens d’affaires, petits commerçants, chômeurs, policiers et même ses partisans dits « chimères ».
Des hommes armés, à bord d’un véhicule officiel de l’Etat, auraient récemment attaqué un commissariat d’une ville du département du Nord, selon des témoignages de policiers rescapés parvenus à AlterPresse.
A Bois Patate, près de la place du Canapé Vert, ce jeudi 12 février 2004, au moins une jeune personne a été blessée par balles, deux autres personnes d’âge mûr, des journalistes et travailleurs de presse nationale et internationale, dont le photographe Thony Bélizaire de l’Agence France Presse, ont été sauvagement agressés par les miliciens lavalas, selon un bilan provisoire des incidents du 12 février.
Surexcités, les partisans d’Aristide se sont révélés très menaçants, notamment à l’endroit des gens à peau claire (spécialement André Apaid Junior, coordonnateur du groupe des 184 membre de la plate-forme démocratique) qu’ils accusent d’ « oligarchie s’étant enrichie depuis 1804 sur le dos des masses pauvres ». En plus des carcasses de pneus enflammés, les miliciens armés lavalas avaient érigé des barricades de grosses pierres, lancé des tessons de bouteilles tout en mettant en garde les curieux qui suivaient l’ambiance, soit perchés dans des maisons soit se tenant debout dans la rue.
Toutes ces agressions ont eu lieu sous l’œil complaisant des policiers cantonnés au sous-commissariat du Canapé Vert, ont constaté les journalistes. [rc apr 12/02/04 15 :00]