Correspondance - Ronel Odatte
P-au-P, 23 aout 2011 [AlterPresse] --- Des matières fécales ont à nouveau été déversées dans les rivières du Plateau Central soulevant la grogne des habitants de la région, alors que la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (MINUSTAH) pointée dans l’affaire continue de nier toute responsabilité.
Une grande quantité de matières fécales a en effet été déversée sur une ligne de canalisation d’environ 15 mètres de long tôt dans la matinée du 21 août. Les déchets humains atteignent par cette canalisation la rivière Ahibon, qui se jette dans la rivière de Thomonde, affluent du fleuve Artibonite.
Le Fort Marmont (15 kilomètres de Hinche) est lui aussi souillé par ces déchets. Il s’agit de l’ancien lieu de prédilection de Charlemagne Péralte, héros et grande figure de la résistance haïtienne à l’occupation américaine (1915-1934).
Les habitants soutiennent qu’il s’agit de l’œuvre de la MINUSTAH qui a, selon eux, déversé un container rempli de matières fécales dans la canalisation.
Des témoins rapportent avoir vu de leurs propres yeux dimanche à 4 heures 30 du matin, un camion de la MINUSTAH accomplir le méfait. Sur le moment, ils affirment avoir ignoré de quoi il s’agissait.
Des soldats de la MINUSTAH, accompagnés des agents de la police nationale qui étaient présents, ont démenti ces accusations. Un casque bleu indien a indiqué que « la MINUSTAH n’est impliquée ni de loin ni de près dans cet incident regrettable ».
Le 6 août des matières fécales avaient été déversées dans la rivière Guayamouc. Une communication de la MINUSTAH rejetant les allégations à propos de son implication dans cette opération a provoqué la furie des habitants.
Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté le 21 août contre les casques bleus, les accusant de salir leur zone de résidence. Elles ont débloqué la circulation sur la route nationale #3, qui passe par Hinche.
La route n’a pu être débloquée qu’après une heure et demie de vives tensions, ponctuée par des coups de feu et des jets de pierre. Malgré le retour au calme les protestataires projettent d’organiser de nouvelles mobilisations jusqu’à ce que les militaires étrangers quittent le pays.
La crainte demeure également très vive dans la région. Se baigner dans la rivière Ahibon est une pratique courante, et son eau est consommée naturellement par les habitants.
« Maintenant tout le monde va être contaminé. Ce canal va drainer toutes ces matières fécales vers cette rivière qui nous est la plus proche (Ahibon), on est tous en danger », confient des habitants.
Des études scientifiques ont confirmé que l’épidémie de cholera est apparue dans le pays après que des matières fécales, en provenance d’une base de casques bleus népalais dans le Plateau Central, ont été déversées dans la nature. A date environ 6 mille personnes sont décédées du cholera.
Les autorités sanitaires du département du Centre ont fait état de 3200 cas de choléra entre juin et août 2011 dans la seule commune de Hinche.
Cenaré Philfrant, un dirigeant de l’organisation paysanne Mouvement Paysan de Papaye, se dit révolté devant ce qu’il qualifie de « méchanceté des forces onusiennes qui veulent à tout prix polluer notre environnement. Ils l’ont fait à Mirebalais, à Sully et aujourd’hui à Marmont », déplore t-il.
Cenaré Philfrant invite le président Michel Martelly à organiser le départ du contingent onusien responsable de cette opération.
Le président n’a jusqu’ici pas réagi aux faits enregistrés dans le Plateau Central. [ro kft gp apr 23/08/2011 12:00]