P-au-P., 7 févr. 04 [AlterPresse] --- 15 personnes ont été tuées lors d’affrontements entre la police et des rebelles dans l’Artibonite (centre-ouest), selon des informations communiquées par les insurgés, qui ont affirmé avoir pris le contrôle de plusieurs villes du département.
La tension a diminué aux Gonaives après une journée très agitée où des policiers ont été mis en déroute par les membres du Front de Résistance pour le reversement du régime du président Jean Bertrand Aristide. Dépêchés sur les lieux pour rétablir l’ordre, 14 d’entre eux ont été tués durant les échauffourées et un nombre indéterminé a été blessé, selon le porte-parole du Front, Winter Etienne.
La ville était encore barricadée dans la soirée du 7 février, ont fait savoir des résidents à AlterPresse. Des morts civils auraient été recensés.
La situation a également dégénéré dans la ville voisine de Saint-Marc. Le Commissariat de cette ville a été incendié après une incursion de civils armés appartenant au Rassemblement des Militants Conséquents de Saint-Marc (RAMICOS), ont rapporté des correspondants. Plusieurs autres édifices ont été saccagés et des prisonniers libérés.
Une personne a été tuée par balle à Saint-Marc et 4 autres blessées. Ces individus seraient victimes de balles tirées par des policiers qui s’enfuyaient, selon les correspondants.
Les journalistes sur place ont souligné la participation d’une forte partie de la population dans les actions conduites contre la police aussi bien aux Gonaives qu’à Saint-Marc. Aucune autorité n’a été remarquée.
Outre les commissariats des Gonaïves et de Saint-Marc, des groupes armés ont réussi
ces dernières 24 heures à prendre le contrôle des sous-commissariats de l’Esthère, Anse Rouge et Gros Morne. D’autres communes seraient également dans une situation très difficile.
Le sous-commissariat de Trou du Nord a été également attaqué et incendié dans la nuit du 6 au 7 février. Des personnes ont été blessées et des résidences saccagées, selon ce qu’ont rapporté des médias.
Les évènements sanglants de ce 7 février se sont produits près de 48 heures après la prise de Gonaives par les rebelles. Les affrontements s’étaient soldés par 12 morts, dont 7 policiers, plusieurs blessés, le commissariat, d’autres édifices et des véhicules de la police incendiés, avait fait savoir le Front de Résistance anti-Aristide.
Jusqu’à l’après-midi du 7 février, le gouvernement affirmait encore avoir le contrôle de la situation dans le département de l’Artibonite.
La police a émis un communiqué ce 7 février, qualifiant d’ « inacceptables » les actes posés par le Front de Résistance des Gonaives. A part les victimes et les dégâts matériels, la police a souligné que des prisonniers, « dont beaucoup de criminels » ont été libérés. Elle a demandé à la population de « garder son calme et son sang-froid » et de collaborer avec l’institution policière.
Dans l’assaut contre le commissariat des Gonaives, les membres du Front étaient appuyés, selon le communiqué, par « d’autres bandits venant du cote de la frontière (avec la République Dominicaine) » et avaient fait usage de fusils d’assaut et de grenade à fragmentation.
Selon le communiqué de la police, plusieurs membres de la population civile ont été tués par les rebelles, ainsi que de « vaillants policiers » qui « offraient une résistance loyale ».
Dans un discours prononcé ce 7 février face a des dizaines de milliers de partisans et sympathisants, à l’occasion du troisième anniversaire de son entrée en fonction pour son second mandat, le président Jean Bertrand Aristide a qualifié les rebelles de « terroristes ». « Oui à une opposition politique, non a une opposition terroriste », a martelé le chef de l’Etat, alors que ses partisans scandaient des slogans en faveur du respect de son mandat qui arrive à terme en 2006.
Après avoir procédé à l’inauguration de 4 places publiques à la capitale, Aristide a pris un bain de foule et des milliers de ses partisans ont défilé dans les rues pour signifier leur appui au chef de l’Etat.
Le Front de Résistance, anciennement Armée Cannibale, n’a jamais caché ses relations passées avec le pouvoir en place. Cette semaine encore, Winter Etienne a rappelé que des armes et de l’argent leur avaient été fournis par le gouvernement afin de combattre l’opposition. C’est l’assassinat en septembre dernier de leur chef, Amiot Métayer, attribué à l’administration Aristide, qui leur a fait changer de camp.
L’opposition a exprimé des réserves sur la situation aux Gonaives. L’ex maire de Port-au-Prince, Evans Paul, de la Plate-forme Démocratique, a estimé que ce qui se passe la-bas est le résultat « du désordre de Jean Bertrand Aristide ».
Evans Paul s’est dit « soulagé » d’entendre les membres du Front affirmer qu’ils seront prêts « à se soumettre à de nouvelles autorités ». Paul les a invités « à éviter la violence » et à comprendre que « les armes ne vont pas permettre de résoudre tous les problèmes ».
Les Etats-Unis ont condamné l’action armée aux Gonaives. Dans un communiqué transmis le 6 février à la presse, l’ambassade américaine a rejeté la violence en tant que démarche de prise du pouvoir. Les Etats-Unis ont exprimé leur soutien aux efforts de la
Communauté Caribéenne (CARICOM) pour résoudre la crise haïtienne.
La mission spéciale de l’Organisation des Etats Américains a exprimé son inquiétude croissante face à la situation dans l’Artibonite. Tout changement politique doit être effectué pacifiquement et démocratiquement, a souligné la mission, qui a invité le gouvernement à remplir ses obligations de façon mesurée et impartiale, en tenant compte pleinement des droits de tous les citoyens.
La mission encourage le gouvernement à mettre en oeuvre pleinement et sans délais les engagements pris à Kingston le 31 janvier 2004, lors de récentes consultations entre l’administration d’Aristide et la CARICOM.
Aristide s’est engagé à entreprendre des réformes visant à établir des conditions de dialogue avec l’opposition. Celle-ci refuse encore toute négociation et s’en tient à la démission du président Aristide. Une manifestation est d’ailleurs prévue en ce sens ce 8 février à Port-au-Prince. [gp apr 07/02/2004 21:00]