Interview
P-au-P, 11 juillet 2011 [AlterPresse] --- Si les défis en matière de population
ne sont pas pris en compte, Haïti se dirige vers un phénomène d’hérédité de la
pauvreté, prévient Dieutès Démosthène, président de l’Association Nationale des
Spécialistes en Population et Développement (ANASPOD).
Le président de l’ANASPOD signale que la population continue d’augmenter alors
que « la situation économique et sociale se dégrade ». Le taux de croissance
annuel de la population est de 2,5%, une « augmentation exponentielle », juge
t-il.
Cette année la population d’Haïti a atteint 10 millions 85 mille 214 individus.
Elle atteindra 16 millions en 2032. Or il n’existe aucune
institution étatique qui travaille spécifiquement sur la question de la
population en Haïti, déplore Dieutès Démosthène.
Selon lui, le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP) « n’est
pas la meilleure institution pour tabler sur les questions de population » qui
exigent une certaine transversalité, recoupant les phénomènes de migration, de
naissance, de morbidité et de mortalité entre autres.
La célébration de la journée mondiale de la population (11 juillet) est ainsi l’occasion de faire un plaidoyer pour une institution indépendante travaillant autour de l’évolution de la population en Haïti.
Le thème de la journée « 7 milliards dans le monde, plus de 10 millions en Haïti,
défis communs » est également une façon de lier les défis du pays aux grands
défis mondiaux en matière de démographie, explique Démosthène.
55% de la population du pays est considéré comme très pauvre et 74% des pauvres
vivent en milieu rural. Le pays qui a vu 120% de son PIB s’effondrer lors du
séisme du 12 janvier 2010, tarde à se relever.
« Fondamentalement, la pauvreté en Haïti découle d’un processus historique de
construction du pouvoir politique et de l’organisation économique centré sur les
intérêts d’une minorité », indiquait en 2007 le DSNCRP, sorte de « grand frère »
du plan de reconstruction actuel.
Pour sa part, ce plan reconnait que les effets du séisme l’an dernier ont été
amplifiés par le fait que la zone touchée représente notamment la plus peuplée du
pays. Mais, alors que le phénomène de migration interne s’est accru avec le séisme,
l’aménagement du territoire demeure au stade des bonnes intentions.
« Maintenant vous vous retrouvez avec un pays où la zone métropolitaine
absorbe - d’après les dernières estimations - près de 30% de la population totale.
Donc c’est un pays avec une grosse tête et un corps frêle. Le reste du
pays s’appauvrit. Il n’y a plus d’activité dans les milieux ruraux », souligne
Démosthène.
En même temps, 634 mille personnes vivent dans des sites d’hébergement. Elles
étaient plus d’un million au lendemain du séisme et les reloger demeure
jusqu’ici l’un des plus
grands échecs des responsables haïtiens et humanitaires. [kft gp apr 11/07/2011 18:00]