Par Claude Gilles
Interview reprise de Gotius.fr par AlterPresse
Coordonnateur du Groupe Mediaternatif, animateur d’une émission sur les nouvelles technologies et correspondant de l’agence EFE, Gotson Pierre suit depuis une décennie l’évolution des médias d’Haïti par rapport aux nouvelles technologies.
Grotius.fr : Qu’est ce qui explique, selon vous, que beaucoup de médias traditionnels en Haïti passent au web ?
Gotson Pierre : Dans plusieurs cas, il s’agit d’un effet de mode, ou bien le web fait « branché ». Il ne faut pas écarter le succès des médias exclusivement Internet (les agences en ligne), qui ont montré qu’il y avait une audience sur le réseau. Cependant, pour certains, on sent bien que le web est perçu comme un élément stratégique de leur politique de développement. Dans ces cas-là une démarche d’intégration et de promotion est mise en œuvre et quelques efforts sont faits pour donner au média web sa propre personnalité.
Grotius.fr : Quels sont les avantages et les inconvenants d’une telle stratégie ?
G.P : Il y a des avantages et des défis. Les avantages, tout le monde les connait et ils correspondent à ce qu’a apporté l’Internet à la communication en tant que moyen global de diffusion et de réception. Un des effets est la présence de la diaspora haïtienne dans les débats médiatiques sur tout ce qui concerne la vie nationale. C’est aussi une vitesse de circulation de l’information et la référence de plus en plus importante à des sources Internet dans les infos. Deux défis majeurs résident dans l’augmentation de la qualité des contenus disponibles sur le web et la rentabilisation des efforts consentis jusqu’à présent.
Grotius.fr : Est-ce un épiphénomène ou une tendance de fond ?
G.P : Le monde évolue et il est certain qu’Haïti n’est pas en dehors des mutations technologiques observées. Malheureusement aucune politique nationale n’est encore mise en place pour accompagner les bouleversements en cours. Je pense que le rapport de la plupart des Haïtiens aux médias a changé et changera encore dans les années ou décennies à venir. Rien ne sera plus comme avant.
Grotius.fr : Le web a son écriture, différente de celles des médias traditionnels, comment faire pour avoir les ressources humaines appropriées au web ?
G.P : Il faut diffuser les savoir-faire. Il faut sensibiliser les opérateurs de médias à la nécessité de monter des équipes web. Encore qu’il faudra y consacrer des ressources. Les partenaires des médias devront apprendre aussi à valoriser l’Internet médiatique et les journalistes devront recevoir des formations spécifiques.
Grotius.fr : Qu’est ce qui explique que les plus anciens dans le métier sont plus réticents aux nouvelles technologies ?
G.P : C’est une tendance qui a été observée dans plusieurs sociétés. Cependant, j’ai vu plusieurs ainés s’approprier totalement de l’Internet et qui ne conçoivent pas aujourd’hui leur travail sans un ordinateur branché à Internet.
Grotius.fr : Les médias, très nombreux en Haïti, ont-ils un rôle à jouer dans la reconstruction du pays ?
G.P : Les médias ont un rôle central à jouer en fournissant des informations qui contribuent à la prise de décision, en servant de médiateurs dans le cadre d’un large débat à susciter sur des choix stratégiques et en aidant à la vigilance citoyenne. En dépit de tout ce qu’ils ont déjà eu à faire, les médias ont eux aussi besoin de se refonder pour pouvoir jouer véritablement ce rôle. J’aime à dire qu’il faut réinventer le journalisme haïtien.