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Haïti-Police : Epuration en suspens, alors que des cas de violations de droits humains par des policiers se multiplient

P-au-P, 01 juil. 2011 [AlterPresse] --- Le processus d’épuration de la Police Nationale hadith (PNH) est actuellement en suspens, alors que des soupçons pèsent de plus en plus sur des policiers, hauts gradés et subalternes, dans des actes de violations de droits humains.

Le processus subit actuellement « un blocage, faute de moyens », confie à AlterPresse l’inspecteur général en chef de la police Fritz Jean.

L’Inspection Générale, appuyée par la Mission des Nations Unies pour
la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a la charge de conduire le processus de
vérification et de certification. Il s’agit d’une enquête administrative devant
aboutir à des recommandations, selon Fritz Jean.

« C’est un ensemble d’enquêteurs haïtiens et étrangers qui vérifient [les
dossiers] du personnel de la police, depuis leur passage à l’école, les
activités qu’ils mènent, les problèmes qu’ils ont rencontré au sein de
l’institution. Et s’il y en a qui sont reconnus coupables de violation de droits
humains c’est au ministre de la justice de trancher », souligne le chef de
l’Inspection Générale de la PNH.

Le ministre de la justice du gouvernement sortant, Paul Denis, censé liquider
les affaires courantes, a jeté l’éponge récemment en remettant sa démission.

C’est le premier ministre démissionnaire, Jean Max Bellerive, également ministre de la planification externe et co-président de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui assure l’intérim.

Le vide gouvernemental, un mois après l’investiture du nouveau président Michel Martelly n’a
toujours pas été comblé
.

« Nous ne pouvons que faire des recommandations à l’Etat. C’est à l’Etat de
savoir ce qu’il veut en faire. Nous faisons uniquement un travail technique »,
affirme, prudent, Fritz Jean.

Il indique que les enquêteurs entendent relancer le processus en partant du département de l’Ouest, où plusieurs cas de tortures et d’exécutions extrajudiciaires ont été rapportés par des organismes de défense des droits humains depuis le début de cette année.

Trois poseurs d’affiches lors des dernières élections présidentielles, ont été victimes de la part de policiers.

Récemment, le commissaire de Pétion-Ville, Vanel Lacroix, et 5 autres policiers
ont été placés en isolement dans le cadre de l’affaire du meurtre de Serge
Démosthène, arrêté illégalement, interrogé sous la torture puis assassiné.

Des mesures d’isolement sont fréquemment prises à l’encontre de policiers ayant
commis des crimes, à l’image de la policière Francine Desruisseaux qui a abattu
le professeur Jean Philibert Louis
, lors d’une manifestation en octobre 2010.

« Le problème c’est qu’il n’y a pas la police de la police »

Pour l’avocat Mario Joseph, directeur du Bureau des Avocats Internationaux (BAI), les actes de violation de droits humains commis par des agents des forces de l’ordre sont tout simplement liés au dysfonctionnement
de l’Inspection Générale de la PNH (IG-PNH).

« Le problème c’est qu’il n’y a pas la police de la police. Si l’inspection
générale, censée être la police de la police, faisait son travail,
c’est-à-dire menait des enquêtes, appliquait la loi contre ces policiers, il n’y
aurait pas ces cas là », soutient-il dans une interview accordée à AlterPresse. Il pense que l’IG-PNH est trop dépendante
du commandement de la police.

« Le cas du commissaire Lacroix n’est pas un cas isolé, c’est une pratique
coutumière de la police…malheureusement certaines fois la police a l’appui des autorités judiciaires », déplore Mario Joseph. Il souligne même que le Parquet sert parfois de couverture à ces arrestations illégales.

L’Etat doit user de la dernière rigueur avec les policiers rendus responsables de violations de droits humains et dédommager les victimes, prône l’avocat.

« En plus lorsque c’est un subalterne qui est en faute, il faut chercher à
savoir si son supérieur avait pris des mesures pour qu’il soit puni. Autrement, il faut arrêter et condamner ceux qui l’ont couvert, il faut remonter jusqu’en haut » dans la hiérarchie, souligne Me Joseph.

Des liaisons dangereuses

Les dérives observées au niveau de la police posent la question de l’Etat de
droit en Haïti qui sans cesse revient dans les discours, mais uniquement dans les discours. La reforme de la justice n’a pas encore été posée par le président Michel Martelly qui s’est borné jusqu’ici à des mises en garde et des sollicitations d’enquêtes.

« Alors que la volonté de réforme de la police avait clairement été exprimée par les responsables politiques dans un contexte national important de recherche de sécurité, il n’en va pas de même pour la réforme de la justice, car celle-ci doit s’attaquer aux fondements même de ce qui est archaïque et donc résiste aux changements », souligne une étude
sur la reforme de la police conduite en 2008 par l’Institut Nord-Sud.

Selon l’étude de l’Institut Nord-Sud, jusqu’à la fin de l’année 2006, ce sont
les américains qui faisaient l’épuration au sein de la police nationale et
« sans consultation ». [kft apr 01/07/2011 11:00]