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Haiti-Littérature : Le Prince Noir de Lillian Russell , de Kettly Mars et Leslie Péan

Les écrivains Kettly Mars et Leslie Péan (contributeur d’AlterPresse) signent ce 23 juin à la foire Livres en Folie leur roman « Le Prince Noir de Lillian Russell » [1]. En prévision de cette signature, AlterPresse reprend un article d’Audrey Pulvar de France Inter et Radio France Internationale, paru le 20 mai dernier à propos de cet ouvrage

C’est un singulier roman, d’abord parce qu’il est écrit à quatre mains, par les deux haïtiens Kettly Mars et Leslie Péan et c’est plutôt rare, un roman co-écrit.

Ensuite par le sujet choisi et la façon de le raconter. Mars et Péan nous transportent dans le Manhattan de la fin des années 1800, celui des théâtres, où l’on se rend en fiacre, avant de rejoindre des restaurants chics pour souper et se montrer, rutilant de bijoux.

New York et ses frous-frous, ses cancans, ses hommes d’affaires véreux et leurs danseuses, où tombent deux petits nègres pleins d’illusions. Henri de Delva, qui se fait passer pour un prince, homme raffiné, instruit, dont la beauté fera tourner la tête à des femmes et à des hommes.

Son compagnon, Thalès, souffreteux, alcoolique, un peu perdu mais ébloui. Tous deux s’installent dans un hôtel et mènent grand train, avec l’argent… de la Révolution. Celle qu’ourdissent des généraux haïtiens, lesquels ont envoyé Henri et Thalès, deux émissaires pour le moins voyants, trouver à New York un navire et des armes, de quoi monter l’expédition par laquelle ils entendent renverser le gouvernement en place à Port-au-Prince.

Oui mais voilà, bien difficile, débarquant dans une ville trépidante comme New York, les valises pleines de centaines de milliers de dollars destinés à financer leur opération révolutionnaire ; bien difficile pour les deux jeunes hommes de résister à l’envie de les dépenser, ces dollars à mauvais escient ! Surtout que le soir même de leur arrivée, Henri tombe raide dingue de Lillian Russell, actrice et chanteuse américaine qui fit, pour de vrai, tourner toutes les têtes à New York dans les années 1890. Croqueuse d’hommes et de diamants, elle deviendra l’obsession de notre homme. L’argent de la Révolution lui coule entre les doigts : il lui faut couvrir sa dulcinée de cadeaux et puis, et puis, il est rongé par la passion du jeu.

Evidemment, après un état de grâce de quelques semaines, les ennuis deviennent très sérieux pour nos deux compères.

Ce Prince noir de Lillian Russell tient plus du polar que de la bluette. Un polar écrit à la manière des grands Chester Himes. Pas besoin d’un gros effort d’imagination pour que surgissent dans l’esprit du lecteur les impayables Ed Cercueil et Fossoyeur Jones. On s’attendrait presque à les rencontrer au détour d’une rue ou dans l’ombre d’une porte cochère.


[1Editions du Mercure de France
Paru le 29 avril 2011