Prise de position de l’organisation féministe Kay Fanm réclamant le maintien du ministère à la Condition féminine que le premier ministre désigné Daniel Gérard Rouzier souhaite fermer. Elle est appuyée par 22 organisations.
Document soumis à AlterPresse le 1er juin 2011
Depuis la création, le 8 novembre 1994, du Ministère à la Condition féminine et aux droits des femmes (MCFDF), il faut, à chaque changement de pouvoir, que le mouvement des femmes haïtiennes se mobilise pour dire NON aux velléités de nier cet acquis politique.
L’équipe du Président Michel Martelly ne se donne même pas la peine d’expliquer ce qui pourrait justifier la décision de fermer le Ministère à la Condition féminine. Au-delà des précautions de langage, c’est bien de disparition sur l’échiquier politique national qu’il s’agit, lorsque le Premier ministre désigné, M. Daniel-Gérard Rouzier, déclare que la Condition féminine sera intégrée au Ministère des Affaires sociales et du travail (MAST), sans moindrement préciser la nature de la structure en question.
Pourquoi cette volonté de priver le pays d’un instrument politique qui a permis de faire des avancées notables en termes d’égalité des droits pour 52% de la population ?
Différentes arguties ont été avancées auparavant pour prétendre fermer le Ministère à la Condition féminine. Il y a notamment lieu de retenir : la disponibilité budgétaire, l’inefficacité et l’inutilité.
Disponibilité budgétaire : Pour 2010-2011, le budget du Ministère à la Condition féminine a été d’environ 37 millions de Gourdes. Ces montants ne sauraient en aucun cas sortir le pays du marasme économique.
Inefficacité : Le ministère à la Condition féminine accuse certes des insuffisances, tout comme toutes les autres institutions de l’appareil d’État : Présidence, Primature, Parlement, Judicaire, ministères, mairies, collectivités territoriales et institutions indépendantes telles que le Conseil électoral, etc.
L’illettrisme et l’éducation au rabais sont des phénomènes patents. L’analphabétisme frappe davantage les femmes et les filles. La formation professionnelle est presque inexistante dans le secteur public.
La grande majorité des populations n’a toujours pas accès, de manière continue et satisfaisante, aux soins de santé. La plupart des femmes accouchent sans assistance médicale. La mortalité maternelle est l’une des plus élevée au monde ; Les familles monoparentales féminines sont légion dans le pays.
L’insécurité alimentaire est une donnée avec laquelle doit compter les populations, en particulier les groupes marginalisés ruraux et suburbains où prédominent les femmes. Le droit à l’alimentation n’est pas respecté. La paysannerie ne bénéficie pas d’un encadrement apte à lui permettre de se relever dignement et efficacement.
Les dysfonctionnements de la justice sont notoires. L’insécurité est un phénomène récurent, peu contrôlé.
Les ministères de l’éducation, de la santé, de l’agriculture et de la justice, pour ne citer que ceux là, existent depuis fort longtemps, avec leurs faibles performances et l’absence d’esprit de service public Pourtant, il ne vient pas à l’idée d’un quelconque pouvoir de les fermer. Par contre, l’on menace de disparition l’une des institutions les plus récentes, le Ministère à la Condition féminine, qui pourtant a 17 ans d’existence.
Inutilité : L’existence du ministère à la Condition féminine se justifie par la nécessité de prendre en compte, au plus haut sommet de l’État, les rapports sociaux de sexe et leurs incidences dans tous les domaines. La mission du ministère est de promouvoir et défendre les droits fondamentaux des femmes/filles et, ce faisant, de contribuer à instaurer une meilleure cohésion sociale. Cela à travers la définition et l’application de politiques et programmes publics visant l’égalité des sexes, la lutte contre les violences de genre et la féminisation de la pauvreté, et en s’assurant du caractère transversal de ces orientations dans l’action gouvernementale. Cela répond aux prescrits de la Constitution de 1987 et aux engagements pris par Haïti en signant les conventions internationales relatives aux droits de la personne et aux droits spécifiques des femmes et des filles, en tant que personnes et citoyennes.
S’il s’agit réellement, comme se plait à le déclarer le Président Martelly, de redresser l’État et d’oeuvrer à l’édification d’une société fondée sur le droit et le respect des droits de la personne, il importe que le Ministère à la Condition féminine joue pleinement son rôle et soit plutôt résolument renforcé dans ses capacités pour la pleine réalisation de sa mission.
Les militantes des droits des femmes que sont les féministes rêvent du jour où le Ministère à la Condition féminine ne sera plus nécessaire, car les droits fondamentaux des femmes et des filles seront pleinement reconnus, respectés et l’égalité des chances sera une réalité tangible. Les féministes rêvent aussi du jour où la Secrétairerie d’État à l’alphabétisation n’aura plus de raison d’être, parce que les enfants des deux sexes non scolarisés, qui deviennent des adultes analphabètes, auront eu dès la petite enfance l’opportunité de recevoir une instruction de qualité qui leur permettra d’être des citoyens et citoyennes qui participent activement au devenir de leur pays.
Port-au-Prince, le 31 mai 2011
Pour Kay Fanm, Danièle Magloire
Les organisations suivantes appuient la déclaration de Kay Fanm en faveur du maintien du Ministère à la condition féminine et aux droits. Ces organisations demandent au nouveau gouvernement et au Parlement de doter le ministère des ressources nécessaires à l’accomplissement de sa mission en matière d’égalité.
1. Concertation nationale contre les violences faites aux femmes ; Réseau national d’organisations
2. Centre de promotion des femmes ouvrière (CPFO) ; Région métropolitaine de Port-au-Prince, département Ouest
3. Fanm Yo La /Les femmes sont là (Collectif féminin haïtien pour la participation politique des femmes)
Région métropolitaine de Port-au-Prince, départements Sud, Sud-est, Nord
4. Mouvement des femmes haïtiennes pour l’éducation et le développement (MOUFHED)
Région métropolitaine de Port-au-Prince, départements Artibonite, Ouest, Nord, Nord-est, Sud-est
5. Asosyasyon fanm solèy d Ayiti /Association des femmes soleil d’Haïti (AFASDA)
Départements Nord, Nord-est, Nord-ouest
6. Fanm lakay /Femmes du terroir ; département Nord
7. Kódinasyon fanm Nódès /Coordination des femmes du Nord-est ; département Nord-est
8. Mouvman fanm Nip /Mouvement des femmes de Nippes (MOFAD – Nippes) ; département Nippes
9. Mouvman fanm Ansavo /Mouvement des femmes d’Anse à veau (MOFA) ; département Nippes
10. Komite fanm Gabou /Comité des femmes de Gabou ; Commune de Petite Rivière, département Nippes
11. Groupman fanm Duverger /Groupement des femmes de Duverger ; Commune de Miragoâne, département Nippes
12. Rasanbleman fanm Nip /Rassemblement des femmes de Nippes (RAFANIP) ; département Nippes
13. Konbit fanm peyizàn Abraham /Rassemblement des paysannes de Nippes (KOFA) ; département Nippes
4ème section communale de Miragoâne, département Nippes
14. Alternative action verte ; Réseau d’organisations du département des Nippes
15. Groupement pour la relance de l’économie des femmes en association par coopérative (GREFACOOP)
Commune de Delmas, région métropolitaine de Port-au-Prince, département Ouest
16. Coalition des femmes de la 3ème circonscription de Port-au-Prince (KOFATRA) ; Martissant, département Ouest
17. Réseau des femmes progressistes pour le développement d’Haïti (RFPDH) ; département Ouest
18. L’espoir des femmes haïtiennes de Petit-Goâve (EFHPG) ; département Ouest
19. Association des femmes actives de Saint Louis du Sud (AFAS) ; département Sud
20. Femmes actives de la Savanne (FAS) ; département Sud
21. Association des femmes progressistes de Flamand (AFPF) ; département Sud
22. Association des femmes pour le développement des Anglais (AFDA) ; département Sud.