Español English French Kwéyol

Haïti-Rép. Dominicaine : La frontière, une épreuve de feu pour la nouvelle administration haïtienne

Par Wooldy Edson Louidor

P-au-P., 23 mai 2011 [AlterPresse] --- Parmi toutes les questions épineuses qui attendent la nouvelle administration du président Michel Martelly dans le cadre des rapports entre Haïti et la République Dominicaine, la gestion de la frontière commune constitue une épreuve de feu.

Durant les dernières années, l’ex-président René Préval a mis en avant son amitié personnelle avec le chef d’état dominicain Leonel Fernández pour aborder les rapports entre les deux gouvernements.

Que faut-il espérer de la nouvelle administration haïtienne ?

Construire les rapports binationaux sur l’amitié entre les deux présidents

L’ex-président Préval et l’actuel chef d’état dominicain évoquaient à maintes reprises, au cours de leurs mandats respectifs, leur amitié personnelle comme l’expression de l’harmonie dans les rapports entre les deux gouvernements.

L’actuel président haïtien Joseph Michel Martelly semble suivre la voie de son prédécesseur. Avant son investiture, il s’est rendu en République Dominicaine pour inviter son homologue dominicain à la cérémonie.

Avant d’entrer en fonction comme président d’Haïti, il aurait demandé des conseils à son homologue dominicain sur un ensemble de sujets.

Les deux dirigeants sont en train de tisser de véritables rapports de proximité et de bon voisinage qu’ils projettent de mettre à profit dans les rapports entre les deux pays.

Durant sa participation à la cérémonie d’investiture, Fernández s’est entretenu avec son homologue haïtien au sujet de la nécessité de réactiver la Commission Mixte Bilatérale en vue de reprendre le dialogue sur des sujets communs aux deux pays.

Importance historique de la participation de Fernández à l’investiture de son homologue haïtien

Au lendemain de sa participation à la cérémonie d’investiture du nouveau président haïtien, le chef d’État dominicain a souligné l’importance historique de cette action pour les rapports entre les deux pays.

« C’est pour la première fois qu’un président dominicain a assisté à l’investiture de son homologue haïtien », déclare Fernandez à la presse internationale.

« Le fait qu’un président de la République Dominicaine assiste à une transition démocratique en Haïti indique que nous sommes en train de vivre une époque démocratique en Amérique latine », affirme Fernández.

Un incident malheureux à la frontière vient troubler la fête

En fait, la veille de l’investiture du président haïtien, un incident malheureux survenu à la frontière Nord entre Haïti et la République Dominicaine a assombri cette belle page d’amitié qui s’ouvrait entre les deux pays.

Des organismes de défense des droits humains ont rapporté un grave incident au nord de la frontière haïtiano-dominicaine, où un soldat du Corps spécialisé dans la sécurité frontalière dominicaine (Cesfront) a blessé par balle une commerçante haïtienne, Mariette Pierre, au portail frontalier de Dajabón.

« La commerçante qui fréquente le marché frontalier de Dajabón pour la vente de ses produits a été atteinte d’une balle au dos, le vendredi 13 mai, jour de marché », rapportent ces organisations haïtiennes.

« Peu de temps auparavant, la commerçante avait refusé de répondre aux appels d’un groupe de militaires dominicains qui voulaient apparemment la rançonner ; l’un d’entre eux a alors tiré dans sa direction », expliquent-elles.

Cet incident n’est pas isolé, comme veulent toujours le faire croire les autorités dominicaines, suite à la perpétration de ces genres d’abus contre des citoyens haïtiens.

Cet incident signale une situation de non-droit à la frontière, où des institutions étatiques, principalement dominicaines, promeuvent la corruption et exercent la violence et des violations systématiques des droits humains à l’encontre des citoyens haïtiens, surtout dans le cadre des marchés binationaux.

Il met à nu l’indifférence et l’irresponsabilité des autorités haïtiennes qui restent les bras croisés face à ces abus contre leurs compatriotes.

En même temps, il pointe du doigt l’impunité dont jouissent les agresseurs dominicains.

« Le 29 novembre 2010, un incident similaire s’est produit à la frontière (Nord) où plusieurs commerçants haïtiens ont été blessés par balle par des militaires dominicains ; on ignore si ces militaires ont reçu une sanction pour leur regrettable forfait », souligne, indigné, l’organisme Solidarite Fwontalye du Service Jésuite aux Réfugiés (SJR) dans une note de presse.

« Deux commerçantes originaires de Ouanaminthe, l’une âgée de 34 ans, enceinte de six mois et l’autre de 16 ans, enceinte de trois mois, ont été agressées au centre-ville de Dajabon (frontière haitiano-dominicaine) par deux agents du CESFRONT (Corps spécialisé de surveillance frontalière) le lundi 21 mars 2011 », avait rapporté le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR) dans une note de presse. Dans ce cas, on ne sait pas non plus si les agresseurs ont été punis.

Face à cette situation d’impunité prévalant à la frontière, la nouvelle administration du président Martelly est invitée à agir pour réclamer justice et réparation pour les victimes haïtiennes.

Le nouveau chef d’état devrait profiter de l’occasion pour aborder avec urgence le problème de la gestion de la frontière commune, où les Haïtiens constituent les principales victimes d’abus et de violations des droits humains de la part des militaires dominicains.

La défense de la vie, de la dignité, des droits humains et des intérêts des citoyens haïtiens à la frontière et dans la diaspora en général devrait être le principe qui guide la diplomatie de l’administration de Michel Martelly, au-delà de son amitié personnelle avec ses homologues, dominicain et autres. [wel gp apr 23/05/2011 06 :00]