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D’autres pas franchis dans la contestation du régime lavalas

P-au-P., 30 janv. 04 [AlterPresse] --- Le secteur privé haïtien confirme « la déclaration de mise hors la loi du gouvernement par les secteurs organisés de la société civile et de l’opposition politique » et décide en conséquence que ses membres « s’abstiendront dorénavant de rencontrer les responsables politiques du gouvernement et des différents ministères ».

Dans un communiqué émis ce 30 janvier, le secteur des affaires recommande à la population des actions de désobéissance civile en commençant par la participation de tous à « la marche des braves » annoncée par la Plate-forme Démocratique (large coalition d’opposition) pour ce 1er février à Port-au-Prince, en dépit d’une interdiction de la police.

Les patrons appellent également au « non paiement immédiatement des bordereaux de l’Electricité d’Haïti tant pour les résidences que pour les entreprises ».

Le secteur privé a annoncé pour bientôt « des journées de deuil » et des « correspondances mettant personnellement en cause les responsables gouvernementaux dans le financement des activités illicites ».

Ces dispositions ont été arrêtées en réaction au « communiqué illégal » du 27 janvier du
Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) (présidé par le Premier Ministre Yvon Neptune) voulant confiner les manifestations publiques à l’aire de la Place d’Italie (bord de mer, à Port-au-Prince) et à la détérioration de la situation des droits humains dans le pays.

Le secteur privé se dit « scandalisé par la sauvagerie » avec laquelle la police
a réprimé la manifestation estudiantine du 28 janvier et estime « intolérable » la violation répétée des espaces hospitaliers dans les différentes villes du pays par les partisans du pouvoir et les forces de police.

« Trop de sang a coulé. Jean Bertrand Aristide doit partir », conclut le communiqué qui est paraphé par la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti (CCIH), l’Association des Industries d’Haïti (ADIH), la Chambre Franco-Haïtienne de Commerce et d’Industrie, l’Association Touristique d’Haïti, l’Association des Assureurs Haïtiens et le Centre pour la Libre Entreprise et la Démocratie.

L’Association Haïtiano-Américaine de Commerce (HAMCHAM) ne figure pas parmi les signataires de ce communiqué du secteur patronal haïtien.

La prise de position des patrons intervient à 24 heures de la tenue à Kingston, Jamaïque d’une réunion de plusieurs chefs de gouvernement de la Communauté Economique de la Caraibe (CARCOM), avec une délégation dirigée par le président Jean Bertrand
Aristide.

Le chef de l’Etat haïtien a annoncé ce 30 janvier à Port-au-Prince que des « sanctions sévères » contre des policiers qui ont eu un comportement violent durant des récentes manifestations anti-gouvernementales. Aristide a parlé de « faux policiers » et de « faux étudiants », affirmant qu’une enquête était en cours.

Le président a fait ces déclarations en recevant au palais les parents de Lionel Victor, un militant de son parti, Fanmi Lavalas, qui est décédé le 28 février, après avoir été atteint par une grenade lacrymogène, tirée par la police.

Aristide n’a pas évoqué son voyage prévu à la Jamaique, dont le Premier Ministre, Percyval Paterson, en qualité de responsable de la CARICOM, a promis de tenir une position ferme vis-à -vis de l’administration haïtienne.

Suite à une réunion au Bahamas avec une délégation de la Plate-forme Démocratique (opposition) la CARICOM a rendu public le 21 janvier un document où elle a proposé des mesures, notamment au niveau des réformes gouvernementales, de la mise en oeuvre du processus électoral, l’établissement de la sécurité et le respect des droits humains.

Les dirigeants de l’opposition ont exprimé clairement qu’il n’était plus question de négocier avec le pouvoir. « Trop tard », ont-ils à maintes reprises déclaré, alors que les manifestations anti-gouvernementales gagnent en ampleur à travers le pays. Une manifestation du Front Nord de l’opposition est attendue ce 31 janvier au Cap-Haitien (Nord).

Ce 30 janvier des intellectuels et artistes du « Collectif Non » ont fait parvenir une lettre ouverte aux chefs de gouvernement de la CARICOM pour leur demander de condamner les méthodes antidémocratiques du pouvoir lavalas, qui ne bénéficie, selon le document, d’aucune légitimité. Ils ont réaffirmé leur volonté de voir Aristide laisser le pouvoir.

Dans une lettre remise ce 30 janvier à la représentation des Nations-Unies, des syndicalistes, soutenus par des centaines de personnes de divers secteurs qui ont effectué un sit in devant le bureau de la représentation, ont appelé l’ONU à « soutenir les démarches du peuple haïtien pour se libérer de la dictature ». Ils ont réclamé la libération de 11 syndicalistes arrêtés la semaine écoulée.

Le Regroupement Démocratique Populaire (30 organisations et plateformes de plusieurs secteurs sociaux) a émis le 29 janvier un communiqué pour réaffirmer que « d’une manière ou d’une autre, Aristide doit partir ». Cet ensemble d’organisations populaires, paysannes, du secteur ouvrier, des milieux féministes et de divers autres secteurs ont qualifié le régime d’Aristide de « sanguinaire, qui ne respecte pas la vie ». [vs gp apr 30/01/2004 19:00]