« Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». (Article 5, déclaration universelle des droits humains) Cette prescription internationale est loin d’être respectée au Plateau central, particulièrement au principal centre carcéral de Hinche, chef-lieu de ce département géographique à 128 km au nord-est de la capitale Port-au-Prince. Le projet de construction de la nouvelle prison civile de Hinche, lancé en 2006, n’est pas encore achevé. Celles et ceux, qui ont connu la prison entre les années 1958 et 1986 au Plateau central, continuent de réclamer a cor et a cri justice et réparation pour des abus dont ils ont été victimes sous le régime des Duvalier. Face à la violation des droits des détenus, malgré la chute de la dictature en 1986, ils craignent que d’autres générations souffrent des mêmes privations…
Correspondance : Ronel Odatte
Hinche (Haïti), 17 mai 2011 [AlterPresse] --- 164 personnes sont entassées dans une maison de 4 petites chambres (dont une pour les femmes et 3 pour les hommes), lesquelles devraient normalement accommoder 25 détenus, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Sur les 164 détenus, 88 (dont 5 femmes et 3 mineurs) ont été condamnés, et 76 personnes attendent encore d’être entendues par un juge, révèle le bureau des avocats internationaux (Bai) à Hinche.
Seulement 1 repas par jour, pas d’eau potable, absence de structures sanitaires adéquates : tel est le régime auquel sont soumis les détenus à Hinche.
Plusieurs cas de choléra, dont 1 mort, y ont été enregistrés.
Se trouver au centre carcéral de Hinche signifierait cesser d’être dans la condition humaine, déplorent différents organismes de défense de droits humains qui dénoncent les réalités dégradantes d’existence pour les détenus à la prison de Hinche.
Ces organismes demandent aux autorités haïtiennes et à la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah) de jouer leur partition en vue d’éviter une catastrophe humanitaire.
« Se baigner est un luxe à la prison civile de Hinche. Se reposer la nuit est un casse-tête, puisque l’espace est trop étroit. Des détenus utilisent des récipients en plastique pour transporter les matières fécales vers une fosse creusée à l’intérieur de la prison », signale Me. Richard Moléon, principal dirigeant de la ligue pour la défense et le respect des droits humains au Plateau central.
Interrogé par AlterPresse, Me. Moléon rapporte avoir vu, regroupés dans une même cellule, des mineurs (moins de 18 ans accomplis), des personnes majeures ayant déjà été condamnées et d’autres personnes en attente de jugement.
En plus de l’achèvement de la nouvelle prison de Hinche, il importe de mettre sur pied des programmes de formation à l’intention des détenus de Hinche pour leur réintégration future dans la société, recommande le porte-parole adjoint du mouvement paysan de Papaye (Mpp), Philfrant Cénaré, qui fustige le comportement « irresponsable des autorités » face aux revendications des détenus.
« C’est avec les larmes aux yeux que nous assistons au cas des détenus à Hinche, se plaignant de ne pas pouvoir se baigner, ni se nourrir ni se coucher convenablement », ajoute Cénaré qui a visité le centre carcéral du chef-lieu du département géographique du Plateau central.
Me Ouvens Jean-Louis du bureau des avocats internationaux (Bai) à Hinche déclare avoir été surpris par la condamnation, à 4 mois de prison, d’un jeune de vingt ans qui souffrait de maladie mentale.
« Il est inconcevable de voir, dans une même cellule, plusieurs détenus, parmi eux des personnes ayant été atteintes de choléra, de malaria, de tuberculose, etc. », déplore Jean-Louis, stigmatisant le dysfonctionnement de la chaîne pénale (police nationale, parquet, tribunaux…) à Hinche.
« Le traitement, donné aux détenus du Plateau central, est inhumain et inacceptable. Il faudrait entamer des poursuites judiciaires, contre l’Etat haïtien, pour violation de droits humains, de droits des prisonniers », suggère un agent pénitentiaire (ayant requis l’anonymat) dans ce département géographique.
Construite en 1935, sous la présidence de Sténio Vincent, la prison de Hinche a été détruite au cours du mouvement de rébellion anti-Aritide au début de l’année 2004. [ro rc apr 17/05/2011 10:00]