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Haiti / crise : Appel d’organisations syndicales à l’ONU

Lettre de la Coordination Syndicale haitienne au Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan

Soumis à AlterPresse le 30 janvier 2004

Port-au-Prince, le 30 Janvier 2004

M Kofi Annan
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
Aux bons soins de M. Adama Guindo Représentant -résident
PNUD HAITI

Monsieur le secrétaire général,

Les Nations Unies ont joué un rôle prépondérant dans la genèse de la situation
actuelle de notre pays. C’est sous son égide qu’a été ramené en 1994 le président Aristide de l’exil. A partir de cette date de nombreuses missions comme la Minuha, la Micivih et d’autres ont participé à la mise sur pieds de la Police Nationale et de l’appareil judiciaire. Aujourd’hui encore les agences spécialisées des Nations Unies jouent un rôle important dans l’action humanitaire dans notre pays.

Cependant le peuple haïtien, malgré la bonne volonté des Organisations internationales, est en train de faire l’amère expérience de la faillite totale du pouvoir de monsieur Aristide et en particulier du pouvoir judiciaire et de la police.

Nous croyons que votre Excellence et le système des Nations Unies doivent en tirer les conséquences qui s’imposent et accompagner le peuple haïtien dans sa lutte pour se libérer de ce pouvoir malfaisant.

Nous les syndicalistes, regroupés au sein de la Coordination syndicale haïtienne (CSH), organisation sœur de l’ORIT et de la CISL, nous tenons à vous faire part qu’à l’instar de toutes les forces vives de ce pays nous réclamons la démission du président Aristide. Permettez-nous d’énumérer sommairement quelques-unes des raisons :

1) Le système judiciaire a été de façon avilissante totalement asservi par le président de la République.

2) La police nationale est devenue une force criminelle au service du président.

3) Le pouvoir exécutif et tous les organes de l’Etat sont devenus des sources de malversations et de corruption scandaleuses.

4) La mauvaise gouvernance nous a amenés à un point où le pays tout entier est livré à lui-même comme un bateau en dérive.

5) L’impunité institutionnalisée est une garantie pour les chefs de gangs et les sbires du président qui sèment la terreur contre les paisibles citoyens. Nous vous faisons grâce des assassinats et autres crimes odieux qui remplissent les rapports des experts internationaux.

6) La violation des Droits de la Personne a atteint des limites qu’on croyait à jamais révolues dans notre pays, comme le témoigne le rapport de Maître Louis Joinet.

Cette situation, dont nous tenons M. Aristide directement responsable, a des conséquences extrêmement graves sur les conditions de vie des travailleurs, des paysans et de l’ensemble de la société. En effet le pays a régressé de plus de 15 ans du point de vue économique et social sous le régime de Lavalasse de M. Aristide, selon des rapports de la Banque Mondiale.

Le taux officiel de l’inflation est aujourd’hui de 40 %. Mais nous savons que les prix de ce que nous arrivons à grand’ peine à nous acheter, pour l’alimentation de nos familles, ont triplé au cours des 3 dernières années alors que le chômage augmente.

Nous n’avons plus d’écoles dignes de ce nom pour nos enfants.

Nous n’avons plus d’hôpitaux pour nous faire soigner.

Nous n’avons pas d’eau potable pour nous désaltérer.

Nous n’avons pas de travail et nous ne voyons aucune perspective d’avenir pour les investisseurs dans le climat général d’insécurité et le chaos qu’entretient le président Aristide.

M.Aristide et ses partisans ont érigé en vertu le fait de ne jamais tenir parole et de ne jamais respecter leurs engagements. Chaque nouvelle négociation est une occasion pour eux de montrer leur habileté en ce sens au lieu de travailler à sortir le pays de la catastrophe.

M. Aristide, alors qu’il parle hypocritement de dialogue, a multiplié ses attaques contre les partis politiques, la société civile, la presse, les secteur des affaires, l’université, les étudiants et les syndicats, engagés dans une lutte pacifique contre la dictature et le chaos. Les seuls opposants qui utilisent la violence et possèdent des armes sont les ex-hommes d’Aristide, armés par ses soins.

Le 24 janvier des policiers lourdement armés ont envahi illégalement les locaux de la CSH en menaçant de mort de paisibles citoyens qui y effectuaient une réunion syndicale. Ils ont enlevé sans mandat 11 militants dont une femme et proféré des menaces de mort contre le Secrétaire général qu’ils n’ont pas pu arrêter.

Voilà quelques-uns des motifs qui nous portent à réclamer la démission de
M. Aristide et à appuyer les initiatives de la Plate-forme de la Société Civile et des partis politiques de l’Opposition, conscients que plus longtemps M. Aristide reste au pouvoir plus difficile il sera de redresser la situation.

Monsieur le secrétaire général, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations Unies, vu leurs responsabilités, ne doivent pas abandonner le peuple haïtien entre les griffes d’un nouveau dictateur.

Nous vous demandons d’appuyer les démarches du peuple haïtien pour se libérer
de la dictature et du chaos afin de construire un Etat de droit, de développement et de justice sociale.

Fritz Charles

Secrétaire Général

c.c : Juan Somavia

c.c : La presse