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Haiti-Elections : l’Exécutif doit s’abstenir de publier officiellement les résultats largement contestés, selon des organismes nationaux d’observation

Communiqué de 6 organismes nationaux d’observation

Soumis à AlterPresse le 22 avril 2011

La proclamation des résultats dit définitifs du second tour des élections présidentielles et législatives, tout comme celles des résultats préliminaires du premier tour a provoqué une flambée de violence à travers le pays. Des morts, des blessés, des cas de vandalisme, de perturbation de l’ordre public, d’incendie de véhicules, de bâtiments publics et privés ont été enregistrés. Dans de tels cas, l’éruption de la violence est la manifestation d’une colère populaire provoquée par un sentiment de profonde injustice, tout comme l’éclatement de la liesse salue des résultats justes et incontestables et procure à l’ensemble de la population un sentiment de paix, de progrès et de bien-être qui n’a pas de prix en ces temps de stress et d’anxiété.

Ceux qui sont responsables des élections devront finir par comprendre que le peuple haïtien garde aujourd’hui les yeux ouverts et suit avec une attention soutenue le déroulement des élections, qu’elles soient présidentielles ou législatives et entend faire respecter ses droits politiques. Les responsables électoraux auraient pu prévoir et prévenir cette violence préjudiciable à des individus, à des familles et à la nation tout entière. Pourtant les avertissements n’ont pas manqué. Durant ces derniers jours, ici et là, la population était dans les rues, manifestant sa détermination à défendre son vote. Les observateurs nationaux et internationaux n’ont pas manqué de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler le Conseil électoral à un traitement équitable des dossiers.

Plusieurs défaillances ont conduit à ces résultats. D’abord, les Bureaux de Contentieux Départementaux n’ont pas assumé leurs responsabilités. La plupart des contestations avaient comme objet le recomptage des bulletins, l’annulation de certains centres ou bureaux de vote. La loi électorale dans son article 190 dispose : « Dans les cas nécessitant des vérifications soit dans les bases de données de l’institution électorale (BED, BEC) soit sur le terrain, l’organe contentieux, par avant dire droit, ordonne que les vérifications soient effectuées par une commission de trois membres…La partie ou son avocat si elle le juge nécessaire peut assister à l’opération de vérification et fournir tout renseignement utile ». Les BCEDs n’ont pas utilisé cette provision légale pour trancher les différends, établir la vérité et mettre d’accord les parties. « De je kontre manti kaba » comme le dit si bien la sagesse populaire haïtienne. Ils ont préféré renvoyer les causes par devant le Bureau de Contentieux National, qui s’est retrouvé
avec plus de 60 cas à trancher dans des séances marathon, souvent nocturnes, sans avoir les éléments factuels pour porter un jugement objectif. Le Bureau de Contentieux National s’est alors octroyé un pouvoir énorme et discrétionnaire pour décider du résultat des élections législatives et de la composition du Parlement, décision qui peut être lourde de conséquences sur le fonctionnement de l’Etat haïtien, l’action gouvernementale et partant le bien-être de la population. En prenant sur elle cette lourde responsabilité, le Bureau de Contentieux National, et les Conseillers Electoraux se sont certainement exposés à de fortes pressions partisanes aussi biens politiques qu’économiques.

En tout cas, c’est le sentiment général qu’inspirent ces résultats, particulièrement en ce qui concerne les législatives. Il a été constaté que la plateforme INITÉ a été le grand bénéficiaire des décisions prises par le BCEN. En effet, dans environ 70% des cas de contestation où cette plateforme était concernée, à un titre ou à un autre, les décisions prises l’ont été en sa faveur.

De plus, toutes ces décisions sont prises en marge de la loi électorale, vu qu’aucune intervention au Centre de Tabulation n’a été décidée et effectuée par le BCEN. Il est inconcevable de modifier, dans de telles circonstances, les résultats préliminaires et de recomptabiliser les procès-verbaux mis à l’écart par décision du Centre de Tabulation pour des cas de fraudes avérées (absence de LEP, profils de remplissage anormaux, faux CINs, …). De tels procès-verbaux sont irrécupérables et ne peuvent être pris en compte dans aucun résultat définitif.

La non publication des décisions du BCEN avant la diffusion des résultats, l’absence de procès-verbal de proclamation des résultats, rendent ces résultats invalides.

Face au climat de violence et de méfiance, dû à l’absence de transparence et de justification des décisions prises par le BCEN, les organismes d’observation électorale signataires de la présente, estiment qu’il est encore temps de réparer les injustices commises, rétablir la vérité des urnes ainsi que la paix publique.

Il est donc impératif que l’Exécutif s’abstienne de publier officiellement ces résultats largement contestés, en attendant qu’ils fassent l’objet d’un examen sérieux, fiable et crédible.

Suivent les Signatures :

Conseil National d’Observation (CNO)

Initiative de la Societe Civile (ISC)

Conseil National des Acteurs non Etatiques (CONHANE)

Reseau National de Defense des Droits Humains ( RNDDH)

Centre d’Etudes et de Recherche et Sciences Sociales et Penales (CERESS)

Mouvman Fanm Kafou. (MOFKA)

Centre Œcuménique des Droits de l’Homme (CEDH)