P-au-P., 28 janv. 04 [AlterPresse] --- La tension a régné ce 28 janvier à Port-au-Prince, suite à la dispersion violente par la police d’une manifestation estudiantine contre le régime en place, qui s’est soldée par un mort, au moins huit blessés et une vingtaine d’arrestations.
Un des blessés, Lionel Victor, âgé de 27 ans, a succombé à ses blessures, en salle d’opération à l’hôpital du Canapé Vert, après avoir reçu à bout portant une grenade lacrymogène qui a été se loger au niveau de son thorax.
Une certaine confusion a régné sur le statut de la victime qui a été présentée dans un premier temps comme un étudiant. En début de soirée, un communiqué du secrétaire d’Etat à la communication, Mario Dupuy, a identifié Lionel Victor comme un militant lavalas (parti au pouvoir).
C’était l’émoi à l’hôpital. Des étudiants, accourus sur les lieux, ont gagné les rues pour exprimer leur révolte face au décès du jeune Lionel Victor et érigé des barricades enflammées.
L’émotion était vive lorsque des agents du Corps d’Intervention et de Maintien d’Ordre (CIMO) ont fait irruption dans l’enceinte de l’hôpital à la recherche d’étudiants. Ils y ont tiré plusieurs coups de feu, molesté plusieurs étudiants et appréhendé plusieurs d’entre eux.
Les premiers incidents de la journée ont éclaté en milieu de matinée après que les étudiants eurent brulé un cercueil devant le consulat des Etats Unis à Port-au-Prince, affirmant qu’ils avaient « brûlé le pouvoir lavalas ». « Aristide doit partir », scandaient-ils, après avoir chanté un peu plus tot à la faculté de médecine les « funérailles symboliques » du régime.
Les sapeurs pompiers qui sont intervenus pour essayer d’éteindre le feu ont rencontré la ferme opposition des étudiants qui se sont allongés sur la chaussée pour empêcher le passage du véhicule du service d’incendie.
Les agents de l’Unité de Sécurité Générale du Palais National (USGPN), aidés de partisans armés du pouvoir n’allaient pas tarder à disperser violemment la marche des étudiants qui avait à peine laissé les abords du consulat. Le petit groupe des partisans du régime criaient « 5 ans » en montrant leurs 5 doigts pour réclamer le respect du mandat du chef de l’Etat.
Sous les tirs nourris combinés à des jets de pierre, les étudiants se sont réfugiés au local de la faculté de Droit, où ils ont été poursuivis, alors que des vitres de voitures garées dans cour de l’établissement ont été brisées. Plusieurs étudiants ont été arrêtés, ce qui a soulevé la colère des autres.
Face aux protestations, la police a fait un usage intensif de gaz lacrymogène, créant une situation de panique dans tout le quartier. Des parents affolés se sont précipités dans les écoles pour récupérer leurs enfants, suffoquant suite à l’inhalation du gaz, très toxique.
Des reporters sur place ont été sévèrement menacés par des partisans du président Aristide. « Nous n’avons pas besoin de la presse », ont-ils affirmé, en lançant des invectives contre les journalistes, accusés de « travailler pour l’opposition ».
La Croix Rouge et les organismes de défense de droits humains ont secouru les étudiants et contribué à leur évacuation.
Le doyen de la faculté de droit, Gélin Colo, s’est dit révolté par cette nouvelle violation de l’espace universitaire. De telles horreurs s’apparent à celles qu’on a connues pendant la période du coup d’Etat, a-il ajouté. [rv gp apr 28/01/2004 20:00]