P-au-P, 18 mars 2011 [AlterPresse] --- Le retour de Jean Bertrand Aristide en Haïti où il a été élu président de la République à deux reprises (en 1991 et 2001) suscite encore peu de réactions dans les milieux politiques, à la veille du second tour des présidentielles et législatives de ce 20 mars.
Contacté au téléphone par AlterPresse, Evans Paul, responsable de la Confédération Unité Démocratique (KID, parti membre de la plateforme Alternative, composée de formations politiques opposées au pouvoir d’Aristide) dit réagir « normalement » à ce retour.
Jean Bertrand Aristide « dans le contexte actuel, ce n’est pas la même personne », relève Evans Paul, « il ne peut avoir d’agenda politique personnel… et je doute qu’il puisse orienter les choses comme il le souhaite », affirme t-il.
Évoquant la division à l’intérieur du parti Fanmi Lavalas transformé selon lui en multiples « petites chapelles », Paul affirme s’interroger « sur la capacité d’Aristide à asseoir ses ambitions politiques » dans un contexte dominé par l’« opportunisme ».
La sénatrice Edmonde Supplice Bauzile, de la Fusion des Sociaux Démocrates (également d’Alternative) a elle aussi signalé la division au sein de Fanmi Lavalass.
« Je crois qu’il aura à restructurer son parti émietté depuis son départ…s’il croit à la démocratie », déclare Bauzile, ajoutant : « j’ose croire qu’il pourra modifier sa vision d’un parti politique qui n’est pas une boutique ».
Jean Bertrand Aristide s’est défendu avant son retour de vouloir refaire de la politique en Haïti. A son arrivée à Port-au-Prince, il a prononcé une allocution où il évoque à nouveau la contribution qu’il souhaite apporter dans le domaine de l’éducation.
Comment décoder le premier discours d’Aristide
Edmonde Supplice Beauzile avoue avoir suivi le premier discours d’Aristide et s’être un peu perdue dans « le cours de biologie » de l’ancien président, qui au fil de sa prise de parole a fourni des détails sur le fonctionnement du cerveau humain.
« Je crois que c’est un citoyen qui revient chez lui. Je pense qu’il devra se remettre à redécouvrir ce pays », souligne Beauzile qui croit que l’heure n’est pas « aux discours populistes et faciles ».
Evans Paul signale pour sa part qu’Aristide est resté « évasif sur des questions fondamentales comme les élections ». « Aristide c’est quelqu’un qui parle en utilisant des images. Il faut toujours décoder ce qu’il dit », rappelle le responsable de KID.
Dans ce discours, Aristide a notamment parlé de l’exclusion de Fanmi Lavalass et plaidé pour l’inclusion. Des paroles qui ont retenu l’attention d’Evans Paul.
« Si on interprète, on peut dire qu’Aristide a rejeté les élections, sans utiliser le mot élections », suggère t-il.
Par ailleurs, des pratiques du pouvoir d’Aristide à partir de 2001 ont été sévèrement critiquées et il a été chassé du pouvoir dans un contexte de prise d’armes par des groupes qui lui sont hostiles et de ras le bol de divers secteurs de la société, face à des actes arbitraires, l’intolérance de ses partisans et la montée de l’insécurité.
Evans Paul dont le parti a été incendié durant le régime d’Aristide, affirme n’avoir « aucune intention de poursuivre quiconque » et souhaite en revanche « la manifestation d’une prise de conscience collective pour faire face aux grands problèmes de ce pays ».
Edmonde Supplice Bauzile affirme en revanche qu’ « il faut que la justice puisse lever tout doute » concernant certains faits reprochés à l’ancien président Aristide ainsi qu’à l’actuel chef d’Etat, René Préval, notamment la mort du journaliste Jean Dominique. [kft gp apr 19/03/2011 14 :50]