P-au-P, 24 févr. 2011 [AlterPresse] --- Les différents candidats en lice, notamment à la présidentielle en Haïti, n’ont pas encore fourni de réponse à l’une des questions fondamentales dans la décentralisation au profit des collectivités territoriales : la recherche de l’autonomie financière des municipalités et des sections communales, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Environ 5 % du budget national devrait être transféré dans les collectivités territoriales en vue de satisfaire l’une des revendications relatives à la décentralisation en Haïti, estime le spécialiste en décentralisation et questions territoriales, le professeur André Lafontant Joseph.
Sans argent (qui est le “nerf de la guerre”), il n’y aura pas de décentralisation véritable des collectivités territoriales en Haïti.
La somme approximative de 2 milliards de gourdes (US $ 1.00 = 41.00 gourdes ; 1 euro = 58.00 gourdes aujourd’hui), dépensées annuellement dans les collectivités territoriales en Haïti, représente moins de 2% du budget national, rappelle Lafontant Joseph qui intervenait sur “les finances locales” au forum national sur la décentralisation dans l’après-midi du 11 février 2011.
Budget local, recettes et dépenses décentralisées
Le principe d’autonomie fiscale des collectivités territoriales, d’une décentralisation des finances (recettes. dépenses, budget, planification financière) de la république d’Haïti, est posé dans l’article 217 de la Constitution du 29 mars 1987 et explicité dans l’article 118 du décret de 2006 relatif au “cadre de décentralisation des collectivités”, signale André Lafontant Joseph.
Or, les collectivités ne sauraient avoir de recettes décentralisées sans un budget, dont les citoyennes et citoyens doivent avoir connaissance. Pour accéder aux ressources financières, les collectivités territoriales doivent disposer d’un budget local, susceptible de relier les dépenses aux recettes (communales et décentralisées, comme la contribution foncière sur les propriétés bâties / Cfpb, le permis de construire, la patente).
Aussi, dit Lafontant Joseph, la décentralisation financière constitue-t-elle un prérequis dans tout pays ayant un fonctionnement normal et où l’exercice de la compétence se rattache à une bonne gestion des dépenses.
Le budget est l’outil normatif, imposable aux tiers, qui garantit la transparence et le contrôle (est-ce qu’il y a un montant qui était prévu pour réaliser telle dépense déterminée).
La planification financière pourrait se formaliser avec un renforcement de capacités, pour s’étendre sur une période plus longue qu’une année.
Depuis au moins 2 ans (l’année 2009), toutes les mairies d’Haïti ont un budget normalisé, standardisé, approuvé par le ministère de l’intérieur (qui a une certaine discrétion en relation à cette “avancée extraordinaire”, juge Lafontant Joseph).
“Acte normatif à appliquer” (il incombe à la cour supérieure des comptes et du contentieux administratif / Cscca d’en assurer le suivi, voire d’interdire une dépense non initialement programmée), le budget est une loi de finances, laquelle doit être adoptée en conseil des ministres, prescrit l’article 217 de la Constitution du 29 mars 1987.
Ce que confirme l’article 118 du décret-cadre de 2006, selon lequel doit être fixé la part de budget attribuée aux collectivités territoriales, de manière à garantir le pouvoir (des collectivités) de mobiliser leurs propres recettes et d’envisager leurs propres dépenses, à leur assurer la possibilité de recevoir des transferts de l’autorité centrale.
Par exemple, pour bien montrer la relation existant entre budget national et budget local, le ministère de l’éducation nationale devrait tâcher d’inclure, au poste “dépenses prévisibles” dans le budget national, toute disposition légale qui attribuerait aux municipalités la responsabilité de la construction d’écoles fondamentales, souligne André Lafontant Joseph.
Comment rationaliser les principes de gestion des finances locales ?
La décentralisation des finances nationales implique une capacité fiscale des collectivités territoriales, c’est-à-dire la possibilité de mobiliser des ressources bancaires en vue de fournir des services publics locaux adéquats dans le cadre des missions spécifiques : gestion des recettes et dépenses, collecte des impôts locaux, etc., explique André Lafontant Joseph.
Des initiatives seraient déjà en cours au ministère de l’intérieur en vue de porter les collectivités à mobiliser leurs recettes fiscales.
Il existe un potentiel non encore exploité au niveau des recettes locales, comme à Saint-Marc (municipalité du département géographique de l’Artibonite / Nord) qui est passée de 5 millions de gourdes à un potentiel fiscal de 70 millions de gourdes, sans risque de gruger les contribuables…
Cependant, le potentiel fiscal ne garantit pas les rentrées.
La gestion des collectivités impose des moyens financiers propres, dont les impôts locaux, une révision des taxes désuètes (pour la perception desquelles il faut établir des bureaux de proximité), l’accès au crédit bancaire pour financer le développement des services publics.
En dehors d’un “contrôle sur la gestion budgétaire des collectivités territoriales, il faut réaliser un recensement des propriétés bâties et des entreprises, multiplier les campagnes de sensibilisation pour mobiliser le paiement de taxes locales, entre autres : impôts locatifs (ou Cfpb), patente, certificats et permis divers, cimetière, mines, plaques d’immatriculation”, lit-on dans la synthèse des rapports des rencontres locales.
L’autonomie financière des collectivités n’est pas possible, tant qu’elles dépendent financièrement du pouvoir central, indiquent les participantes et participants aux fora communaux ayant précédé le forum national des 11 et 12 février 2011 sur la décentralisation.
Ils demandent une clarification des budgets locaux, dans l’élaboration desquels la population doit être impliquée, ainsi qu’une transparence dans l’allocation des services de base, comme marchés publics, eau, électricité, routes, centres culturels, asiles, dispensaires, cimetières.
“Il est nécessaire de prévoir un partage équitable des ressources entre l’Etat central et les collectivités territoriales.
Il convient également de réviser la fiscalité locale afin de mieux prendre en compte l’exploitation des ressources naturelles et touristiques”.
Les revendications, exprimées localement dans les fora, insistent sur une amélioration des relations entre les collectivités territoriales et la direction générale des impôts (Dgi)
Quoi qu’il en soit, il importe de doter les collectivités de moyens financiers supplémentaires avant de leur transférer de nouvelles compétences, suggère le coopérant européen Landry Michaud, qui intervient en appui à la municipalité de Jacmel (Sud-Est).
A son avis, un renforcement des capacités des collectivités territoriales constituerait une démarche fondamentale préalable à la décentralisation. [rc apr 24/02/2011 9:00]