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Haiti-Duvalier : Les victimes de la dictature s’attendaient à l’incarcération immédiate de l’ancien tyran

Lettre ouverte en date du 14 février 2011 au président René Préval, au premier ministre Jean Max Bellerive et au ministre de la justice concernant l’affaire J.C. Duvalier

Document soumis à AlterPresse le 17 février 2011

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Justice,

Nous, les soussignés, tous victimes et/ou témoins des nombreux crimes et exactions commis sous la dictature de l’ex Président à vie Jean-Claude Duvalier (21 avril 1971- 7 février 1986) et qui ont traumatisé toute une nation, avons, comme l’ensemble de la population haïtienne, été surpris par le retour du dictateur, mais surtout choqués de l’accueil qui lui a été réservé par les différents agents de la fonction publique en faction à l’aéroport Toussaint Louverture de la capitale. Le spectacle du dictateur se pavanant dans un cortège de véhicules précédé de motards de la police nationale enthousiastes et serviles, a été particulièrement révoltant. Nous l’avons vu ensuite entouré d’ancien macoutes et de membres de sa garde prétorienne (notamment des membres de l’ex FRAPH groupe paramilitaire qui a sévit durant le coup d’Etat militaire de 1991-1994), narguant les consignes d’un juge d’instruction lors de ses multiples déplacements, de Peligre à Léogane, alors qu’il est prétendument « assigné à résidence » selon ce qui a été dit aux victimes qui ont témoigné.

Nous avions vu dans le retour inopiné de Jean-Claude Duvalier une opportunité pour que les autorités judiciaires haïtiennes lui demandent enfin compte des crimes imprescriptibles perpétrés sous son règne. Nous nous attendions donc, au nom de la vérité, de la justice et du plus élémentaire bon sens, que Duvalier soit inculpé et immédiatement incarcéré dans l’attente de son procès pour crimes contre l’humanité et pour le pillage éhonté des finances d’un pays réputé le plus pauvre de l’hémisphère.

Nous avons vu au contraire, l’accusé traité avec un laxisme surprenant et la plus grande déférence, par les autorités nationales. Il jouit d’une totale liberté de déplacement, dont il profite pour mener campagne, conspirer avec ses associés et complices, réactiver son réseau d’hommes de main, festoyer avec ses compagnons de débauche et narguer avec arrogance les victimes survivantes de son régime. L’interdiction de départ prononcée contre lui, nous semble une mesure bien dérisoire, compte-tenu de la porosité de nos frontières et des complicités avérées développées par les Duvalier en République Dominicaine. Par ailleurs, Jean-Claude Duvalier profite de son accès illimité à la presse pour déployer une offensive de propagande mensongère, analogue à celles que nous avaient infligées son sinistre père et lui-même.

S’ajoutant à l’attitude menaçante des partisans de Duvalier lors des dépositions des plaignants et à l’attitude pour le moins provocante de ses avocats, ces cafouillages de la justice haïtienne contribuent à intimider les victimes qui ont eu le courage de porter plainte et à dissuader les nombreuses autres qui seraient prêtes à le faire ou à venir témoigner. La place de Duvalier est en prison et la disponibilité de cellules répondant aux normes internationales dans le nouveau pénitencier de la Croix-des Bouquets, permet son incarcération dans des conditions acceptables et totalement différentes de celles que son régime a imposées à ses innombrables victimes ; des conditions dans lesquelles doivent vivre nos compatriotes actuellement détenus. Jean-Claude Duvalier en liberté, les victimes et témoins de ses méfaits, se sentent à juste titre sous la menace de ses puissants complices incrustés dans l’appareil d’État et dans la société.

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Justice,

L’État haïtien doit arrêter de jouer les Ponce Pilate et prendre clairement parti pour la justice et la vérité. 25 ans après le départ de Jean-Claude Duvalier pour son exil doré, il serait temps que tout l’appareil étatique, et notamment le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, mais également ceux de la Communication et de la culture, de la Jeunesse et des sports, de l’Éducation Nationale remplissent leur mission de faire connaître à nos jeunes compatriotes, désarçonnés par des déclarations ambigües des autorités ou leur silence inquiétant et une propagande délétère des duvaliéristes, la vérité sur la dictature héréditaire la plus sanglante de notre histoire.

Les signataires osent croire que le gouvernement prendra les dispositions qui s’imposent pour que justice soit enfin rendue au peuple. Dans cette optique, le gouvernement devrait prendre des mesures pour que nos compatriotes vivant à l’étranger puissent également porter plainte à travers les représentations diplomatiques et consulaires.

Patriotiquement votre,

Suivent les premières signatures

Cius ,Wisly pour Jn Robert Cius

Blanchet, Max J.

Duval, Robert

Simon Paul-Emile

Elie, Patrick

Dominique, Jan J.

Henri, Faustin

Micheline Dominique Billot

Fils Aimé, Alix

Jean Billot

Magloire, Nicole

Sylvie Billot

Montas, Michele

Condé-Icart, Renée

Prophète, Denise

Dupuy, Rudolph

Rosier, Claude

Pasquet, Fabienne

Fremont, Erge

Côté, Mireille

Boucard, Françoise

Dieujuste, Ulrick

Baron, Paul

Avin (Jean François)

Icart, Reynold

Klang, Gary

Icart, Jean-Claude

Large, Josaphat-Robert

Ricard, P Cassagnol

Berrouet-Oriol, Robert

Simon, Marcel-Franck

Magarett Desilier

Paul Adolphe Corbanese

Michaelle Leger Roy

Cette lettre reste ouverte aux signatures de survivants, et de témoins a
justiceduvalier@gmail.com. Elle sera régulièrement mise à jour.