Lettre ouverte des responsables de Radio Haïti à la presse haïtienne
Soumis a AlterPresse le 19 janvier 2004
New York, Montréal, le 19 janvier 2004
Forcés de mettre Radio Haïti en veilleuse pour protéger les vies de nos collaborateurs, il y a près d’un an, nous tenons cependant plus que jamais à exprimer publiquement notre solidarité à nos confrères menacés et aux medias dont les équipements ont été détruits ou endommagés.
Nous tenons aussi à élever collectivement nos voix pour dire non à l’inadmissible, Non à la violence politiquement commanditée et aveugle qui entraîne notre pays dans une désespérante spirale de destruction, Non aux complots obscurantistes contre la parole et la pensée critique, qui font brûler les bibliothèques, frapper des étudiants et attaquer des travailleurs de la presse.
Pour nous, les nouvelles agressions contre les medias ont un goût familier et amer. Les méthodes adoptées étaient les mêmes, le 28 novembre 1980, lorsque des attachés détruisaient les studios de Radio Haïti à coups de crosse de fusils et de mitraillettes. Sous Prosper Avril, c’étaient les antennes FM de plusieurs radios qui étaient sabotées à Boutillier, les forçant pendant plusieurs semaines au silence. Aujourd’hui, nous en sommes aux mêmes méthodes. Pour calmer la fièvre sociale et politique ou pour l’exacerber, on casse de nouveau les thermomètres. Encore plus grave aujourd’hui, ce n’est plus un media de telle ou telle tendance, mis en cause par le refus de la différence, qui est sélectivement frappé, ce sont des medias d’options politiques divergentes qui payent les frais de l’intolérance et de l’impunité. Aujourd’hui, c’est la presse en tant que corps qui devient cible et avec elle la liberté d’informer.
Une fois pris le choix délibéré de l’impunité dans les dossiers des assassinats de Jean Dominique, Brignol Lindor et Maxime Seide, on pouvait s’attendre à ce que s’accentue cette dangereuse spirale d’agressions brutales et délibérées contre la presse. Aujourd’hui, c’est le métier d’informer lui-même qui est gravement menacé.
Pourtant, à quoi ont servi, aux commanditaires d’hier, les agressions contre les messagers de 1980 puisque après la destruction de Radio Haïti, Radio Soleil a bourgeonné deux ans plus tard se faisant l’écho de ces mêmes aspirations qui refusent de mourir à la justice et à la participation ?
A quoi ont servi à moyen ou long terme les violents coups de butoir lancés contre la liberté d’association de paysans par les commandos de nouveaux élus Lavalas, zèles et armés, en 2000 et 2001 ?
A quoi aura servi le 5 décembre, l’attaque barbare contre l’Université, sinon de faire passer des milliers d’étudiants et de citoyens de la passivité frustrée à la colère engagée des rues ?
A qui peut servir de laisser fermer par des commandos agissant en toute garantie d’impunité, la seule soupape sociale d’un pays en crise, sa presse, ses radios ?
Car quelques soient les carences de notre presse, quelques soient les intérêts divergents qui la sous tendent, notre liberté de dire, notre droit à l’information et à la pensée critique sont et demeurent inaliénables.
NOU BAT TROP, NOU PàˆDI TROP POU JODI A, NOU PàˆMET ZAM AK BATON METE BABOUKET SOU BOUCH NOU.
Solidairement,
Jan J. Dominique, Directeur Exécutif
Michèle Montas-Dominique, Directeur à l’Information
Pierre Emmanuel, Rédacteur en Chef.
RADIO HAITI