Note de Presse du Programme de Plaidoyer pour
la Souvraineté Alimentaire au sein de la PAPDA
Transmis a AlterPresse le 15 janvier 2004
Durant le mois de décembre 2003, conformément aux règlements
de l’Organisation Internationale des Epizooties (OIE),
l’administration publique américaine a déclaré publiquement
avoir dépisté, sur son territoire, un cas d’animal atteint
d’Encéphalite Spongiforme Bovine, communément appelée
"maladie de la vache folle".
Au 12 janvier 2004, le Ministère de l’Agriculture des USA a
fait interdire, sur son territoire, la vente de viande émanant
d’organes liés au système nerveux central ainsi que l’intestin
grêle de bovins âgés de plus de 30 mois. Cela inclut entre autres
la cervelle, la moelle épinière, les yeux et les tissus
ganglionnaires.
Dans le nouvel ordre mondial cher aux économistes néo-libéraux
et aux spéculateurs de tous poils, c’est à chaque état d’assumer
la responsabilité du contrôle de l’inocuité des produits importés
et commercialisés sur son territoire. Aussi, entre le 24 et le
31 décembre 2003, plus d’une cinquantaine de pays ont interdit
l’importation de viande de bovins ou de produits à base de
cette viande en provenance des USA, ainsi que d’os et dérivés
d’os de bovins. Ceci n’inclut pas toutes les saucisses et hotdogs
mais celles qui sont à base de viande de boeuf hachée ainsi
que les autres préparations de charcuterie du même genre.
Certains pays ont étendu cette interdiction aux produits de
boucherie des autres ruminants. Parmi les pays à avoir pris ces
dispositions, se trouvent l’ensemble des Pays classés comme
Tigres du Sud-Est Asiatiques,Israà« l, les pays de l’Amérique
Latine, les pays du CARICOM, et, notre voisin,la République
Dominicaine.
Jusqu’à ce jour, l’Etat Haïtien est demeuré muet sur le dossier.
Une fois de plus, les responsables se foutent de l’intérêt public.
En Angleterre, ou la maladie de la vache folle a défrayé la
chronique dès les années 90s, l’hypothèse que cette pathologie
proviendrait de l’ingestion par des bovins de produits
provenant de moutons atteints de scrapie (autre maladie
connue depuis longtemps, provoquée elle-aussi par le même
type de prions) a été retenue et est étudiée. La transmission
d’une espèce animale à une autre serait donc possible.
Jusqu’à présent, quoique reconnue probable, le risque de
transmission à l’homme sous forme d’une variante de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob est jugée infimeÂ… tout au moins
dans les pays où fonctionne un système de dépistage de
santé publique. N’oublions pas que la totalité du cheptel
porcin haïtien a déjà été exterminée parce que des porcs
auraient consommé des restes de repas de passagers d’avions
près de l’aéroport de Santo-Domingo et que la maladie se
propagea chez nous à partir de là . Prévenir vaut toujours
mieux que guérir. L’économie haïtienne a déjà payé cher
pour cette leçon.
En plus des risques sanitaires et même indépendamment de
ceux-ci, cette conjoncture n’est pas à prendre à la légère.
Il y a des enjeux économiques importants. Quand il y a eu
un problème de mévente du blé américain par suite d’un
conflit avec la Russie, dans les années 76 à 78, le marché
local haïtien a été envahi par de la bulgur et d’autres
produits à base de blé. Le peuple haïtien, tout particu-
lièrement les couches nécessiteuses, subirent à cette
époque, une intoxication mentale les poussant à consommer
des produits à base de farine de blé plutôt que les
féculents locaux. La tendance enclenchée depuis lors,
n’a fait que se renforcer occasionnant le cortège de misère
pour les producteurs locaux dont nous subissons les
conséquences aujourd’hui. De nouveau, en 1999, alors que
l’Europe, gros client, bannissait les importations de maïs
américain, les importateurs qui alimentent le marché haïtien,
auraient découvert les vertus du "mayi moulen Miyami". Depuis
lors, les importations de maïs américain n’ont cessé de
croître de manière significative chez nous à la faveur des
mesures de subventions à l’exportation que l’administration
américaine continue de pratiquerÂ… alors que, au contraire, en
Haïti, l’Etat Haïtien, (Ministère de l’Agriculture en tête)
n’a cessé, depuis lors, de se désengager vis-à -vis des
producteurs locaux de céréales et de fèves. Pire, à travers
son programme de coopératives pirates, les tenants du pouvoir
se sont arrangés pour s’accaparer des maigres épargnes d’une
frange importante des couches défavorisées du pays.
Les USA ont exporté pour près de 3.25 milliards de viande de
bovins durant l’année 2002 à l’exclusion des graisses et peaux
et de reproducteurs. Si la levée internationale de boucliers
se maintient quelques semaines encore, tout particulièrement au
niveau du Japon, du Mexique, de la Corée du Sud, de Hong Kong et
de la Russie qui figurent parmi les 6 importateurs de viande de
bœuf les plus importants des USA, le puissant lobby d’éleveurs
de bovins des USA devra trouver rapidement des acheteurs de
rechange. En pareille circonstance, quel sera l’impact de la
cupidité ou de la lâcheté des responsables haïtiens sur
l’économie de la paysannerie haïtienne, sachant que l’élevage
de ruminants représente encore un moyen de capitalisation non
négligeable pour ce secteur ? Après le scandale de parlemen-
taires impliqués dans la commercialisation de riz importé,
peut-on encore espérer que la souveraineté nationale puisse
trouver des défenseurs au sein du régime au pouvoir ?
Mais, les spéculateurs anti-production nationale ne se retrouvent
pas dans un seul secteur de l’échiquier politique haïtien
et l’administration publique n’est pas la seule institution
responsable de veiller au respect de normes de survie
de ce qui reste du tissu social haïtien. Les chambres de
commerce et les associations patronales sont aussi concernées.
En ce sens, la PAPDA en appelle au sens civique des responsables
de l’Etat et aux dirigeants des associations patronales pour
que des mesures soient prises chacun en ce qui le concerne
pour éviter que, une fois de plus, notre peuple ne
fasse les frais de crises du capitalisme international.
Pour la PAPDA,
Yves-André WAINRIGHT
Chargé de programme