Prise de position du GARR réclamant le jugement de Duvalier
Document soumis à AlterPresse le 20 janvier 2011
Le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) a appris le retour en Haïti, le dimanche 16 janvier 2011, de l’ex-dictateur Jean Claude Duvalier (Baby Doc) qui a beaucoup de comptes à rendre à la société haïtienne en raison des nombreuses violations de droits humains commises sous son régime. L’initiative, prise par la justice haïtienne pour commencer à questionner M. Duvalier sur les actes perpétrés durant ses 14 années de pouvoir dictatorial, doit se poursuivre jusqu’à l’aboutissement d’un véritable procès.
Au nom de tous les braceros qui ont été vendus comme des esclaves pour l’exploitation de leur sueur et sang dans les bateyes sucriers dominicains, le GARR réclame Justice et Réparation. Au nom de tous les boat people qui ont péri en mer ou ont échoué sur les côtes de la Floride ou des Bahamas pour échapper à la violence de la dictature ; au nom de tous ceux et toutes celles qui ont été exilés et qui n’ont pas pu mettre leur jeunesse ni leur savoir au profit du développement de leur pays, le GARR réclame Justice et Réparation.
Le GARR tient à souligner, à l’attention de tous et toutes, que l’hémorragie de ressources humaines dont souffre le pays aujourd’hui et qui nuit considérablement à son développement, a été initiée sous les gouvernements des Duvalier qui ont tué beaucoup de cadres haïtiens et forcé à l’exil de nombreux autres. Les violations systématiques des droits civils et politiques du peuple haïtien ont empêché, durant des années, de nombreux citoyens et citoyennes de rester en Haïti et les a contraints à se constituer en diaspora dans plusieurs points de la planète. Sans oublier tous ceux et celles déclarés-es apatrides par la dictature duvaliériste et qui ont dû, à contrecoeur, opter pour une nationalité étrangère.
Le GARR tient également à rappeler que les deux régimes des Duvalier ont pillé les ressources financières qui auraient permis à Haïti de construire de nombreuses écoles, hôpitaux, des kilomètres de routes, etc. Alors qu’au lendemain du 7 février 1986, Jean Claude Duvalier est allé jouir des fruits de son pillage sur la Côte d’Azur en France, en compagnie de riches princes du monde, le peuple haïtien n’a pas cessé de patauger dans la misère la plus abjecte, situation qui le force à continuer à s’exiler volontairement en se rendant en République Dominicaine et dans d’autres pays de la région.
A rappeler que le premier dossier qui a fait scandale après la chute de Jean Claude Duvalier en 1986, a été celui de la réclamation par la République Dominicaine de deux millions de dollars américains versés aux officiels haïtiens pour le recrutement de braceros, quelques jours avant la chute de la dictature.
L’impunité et la corruption constituent une gangrène qui entravera toujours la bonne marche d’Haïti si des mesures ne sont pas prises pour les freiner. Le retour de Jean Claude Duvalier en Haïti est une occasion pour commencer à tracer des exemples en s’engageant sur le chemin de la justice. Tous les pays, qui ont connu des situations similaires - telles l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Chili -, ont adopté des dispositions qui ont permis de tracer la voie de la démocratie et d’établir des valeurs basées sur le respect des droits humains.
Le GARR invite les nombreuses victimes de la dictature de Jean Claude Duvalier encore vivantes à porter plainte. Il espère que la justice haïtienne saura saisir ce moment historique pour démontrer véritablement qu’elle entend contribuer à la lutte contre l’impunité, la corruption et à l’instauration d’un état démocratique en Haïti.
Serge Lamothe
Président du Conseil d’Administration
GARR