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Haiti : le sabotage des antennes de 9 médias, un acte " signé "

P-au-P., 14 janv. 04 [Alter Presse] --- L’Association Nationale des Medias Haïtiens (ANMH) a fixé les responsabilités concernant les actes de sabotages du 13 janvier contre les équipements de transmission de 9 médias de la capitale, qui constituent « un geste délibéré » en fonction d’une « vision déformée du pouvoir ».

Lors d’une conférence donnée ce 14 janvier à Port-au-Prince, l’ANMH a annoncé qu’elle compte se constituer partie civile dans des poursuites en justice contre les auteurs intellectuels et les exécutants de cet acte en vue d’exiger réparation pour les medias victimes.

Le directeur de radio Métropole, Richard Widmaier, président de l’ANMH a retracé le fil des événements : 13 janvier un groupe de bandits armés ont investi le site d’Electrocom (situé a Boutillier, sur les hauteurs du morne l’Hôpital, sud-est de Port-au-Prince) abritant des équipements de transmission d’une douzaine de medias. Bilan : 9 stations de radios au total endommagées dont 5 medias membres de l’ANMH.

Le président de l’ANMH a qualifié les attaques contre les matériels des medias indépendants comme une attaque a la propriété privée et la libre entreprise. « Nos biens sont attaqués et c’est toute la presse qui est concernée », a affirmé Richard Widmaier. Jamais un aussi grand nombre de medias n’a été attaqué en même temps, a-t-il souligné, même si les medias ont été toujours les abonnées des régimes répressifs qui ont dirigé le pays.

Richard Widmaier a qualifié l’opération du 13 janvier d’« acte barbare ». Selon lui, cette action relève d’une chronique d’événements annoncés par les partisans du pouvoir. Il a pris en exemple l’assassinat des journalistes Jean Dominique et Brignol Lindor, les menaces contre les journalistes, l’arrêt des émissions de certaines stations de radios qui ont été les cibles de tir nourris. « La presse, selon le président Aristide jette de l’huile sur le feu », a ajouté le président de l’ANMH.

Les medias indépendants ne cesseront pas de « remplir leur mission d’informer la nation pour qu’elle ait toujours le libre choix entre l’information et la propagande officielle », en dépit de l’instauration en Haïti par le pouvoir lavalas de la notion de « délit d’informer », a souligné le responsable de l’ANMH.

Lilianne Pierre-Paul, directrice de programmation de Radio Kiskeya, membre de l’ANMH, victime de l’attaque du 13 janvier, a annoncé une série d’actions qui seront entreprises par les medias membres de l’association. Parmi ces actions, une émission conjointe animée par des journalistes de plusieurs médias a été diffusée sur un ensemble de stations de radio à travers le pays.

Sony Bastien, directeur de radio Kiskeya, a déclaré que l’acte de sabotage contre les medias indépendants est « signé ». Selon lui les exécutants de « ce crime » ont été identifiés par les habitants de la zone de Boutilier. Selon Sony Bastien, le coup a été exécuté par des bandes du défunt Felix Bien Aimé, de Martissant (sud de la capitale), à la solde de l’ancien député lavalas Simpson Libérus et Jean Claude Jean Baptiste, conseiller du président Aristide.

Féliz Bien-Aimé était un chef de bande lavalas, assassiné l’an dernier. Son remplaçant, Fritz Innocent, les nommés Sasson (identifié comme un bandit à la solde du pouvoir qui érigeait des barricades enflammées lors de la manifestation de l’opposition le 1er janvier dernier) et Douze (identifié comme le chauffeur de Jean Claude Jean Baptiste) ont été les principaux exécutants de l’opération du 13 janvier, a soutenu le directeur de radio Kiskeya.

Sony Bastien a fait savoir que les déclarations des officiels lavalas, notamment Nahoum Marcélus, Simpson Libérus, « ont préparé l’opinion publique à l’autodafé en faisant des medias le porte étendard du mensonge ». Il s’est opposé à toute offre d’aide du pouvoir qui, selon lui, est l’auteur de cet acte répréhensible.

Selon une évaluation du propriétaire du site des émetteurs, l’ingénieur Fritz Joassaint, les dommages sont estimés a près d’un demi million de dollars américain.

L’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), la Fédération Haïtienne de la Presse (FHP), les organisations internationales de défense de la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières (RSF) et Commitee to Protect Journalist (CPJ) ont réprouvé l’assaut contre les antennes de plusieurs médias à Port-au-Prince et exprimé leurs préoccupations au sujet de la situation de la presse en Haïti.

Le président Jean-Bertrand Aristide a condamné le sabotage des médias et promis qu’une enquête sera diligentée. Des partis politiques d’opposition ainsi que le parti au pouvoir Fanmi Lavalas ont également condamné l’attaque perpétrée contre les médias.

L’ambassadeur américain en Haïti, James Foley, a qualifié l’attaque du 13 janvier de tentative pour assassiner la démocratie.

Le Commissaire du gouvernement, Me Riquet Brutus, a annoncé que l’action publique sera mise en mouvement pour identifier et poursuivre les auteurs du sabotage. [rv gp apr 14/01/2004 17:00]