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Haiti-Elections : Jour de vote

P-au-P., 28 nov. 2010 [AlterPresse] --- Les opérations de vote ont commencé timidement, avec beaucoup de difficultés et de retard à Port-au-Prince et dans les autres régions du pays, où la situation est globalement calme, constate AlterPresse.

Environ 4,5 millions d’électrices et d’électeurs potentiels sont appelés à choisir 1 présidente ou 1 président parmi 18 prétendants, 11 sièges de sénateurs sur 96 candidates et candidats, ainsi que 99 sièges sur 816 postulantes et postulants à la chambre de députés, dans un scrutin mettant aux prises 66 regroupements et partis politiques.

Lente mise en place : comptage des bulletins, qui sont sur place à temps au centre de vote de l’École évangélique des cadres à Frères (périphérie nord-est), arrivée de mandataires, installation de bureaux de vote…

Les opérations d’ouverture prennent beaucoup de temps et les membres de bureaux de vote commencent à voter vers 7 :00, soit une heure après l’heure prévue. Des ambigüités à propos des procédures contribuent à ralentir la mise en route des opérations.

« Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le lancement de la machine est aussi lente », commente un observateur.

Peu d’affluence est constatée tôt dans la matinée à ce centre de vote où les électeurs se montrent patients. Un homme d’une soixantaine d’années attend patiemment de trouver son nom sur une liste. Il est accompagné de sa fille. Les deux viennent de Péguyville et ont parcouru plusieurs kilomètres à pied pour être présent depuis 6 :30.

Présente à l’entrée du centre de vote, la police exige que les personnes qui fréquentent les lieux aient leur chemise à l’intérieur de leur pantalon pour ne pas dissimuler des armes. Des patrouilles de la police et de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haiti (MINUSTAH) sillonnent les rues clairsemées. Le transport public est rare en début de matinée.

De nombreux problèmes techniques sont enregistrés également au centre-ville, selon ce qu’a constaté AlterPresse. Au centre de vote du Lycée Fritz Pierre-Louis, le vote n’a pas pu commencer, à cause du fait qu’il n’a pas reçu les bulletins appropriés.

Dans les rues, des électeurs se plaignent de ne pas pouvoir retrouver leurs bureaux de vote et ce genre de problème est à la base d’une certaine tension, comme à l’École Normale de Martissant (périphérie sud). Les électeurs confient à AlterPresse leur frustration.

Ombres et inquiétudes

Une multiplication d’actes de violence (dont la mort de plusieurs personnes au cours d’affrontements entre partisans et candidats) et des menaces émaillant le processus depuis octobre, de nouvelles nominations suspectes au sein de l’appareil électoral pour la supervision du vote, soupçons de mainmise de l’Exécutif pour d’éventuelles magouilles, fraudes et activités de favoritisme pour les prétendants officiels, absence d’un programme véritable d’éducation civique expliquant le mode de votation, listes électorales non pertinentes, peu de considérations pour les revendications fondamentales des secteurs productifs, aucune velléité de réponses aux défis posés par les conséquences du tremblement de terre du 12 janvier : ce sont, entre autres, plusieurs manquements qui pourraient affecter le bon déroulement, voire la participation au scrutin présidentiel et législatif, prévu pour ce dimanche 28 novembre 2010 en Haïti, considèrent des analystes.

Davantage d’investissements en ressources humaines et financières semblent avoir été consacrées pour l’observation électorale du processus, pour lequel 11 mille bureaux de vote sont installés et 14 millions de bulletins imprimés.

Des résultats préliminaires devraient être annoncés le 7 décembre prochain et la déclaration finale des résultats définitifs faite le 20 décembre, laissant l’opportunité à des candidats de déposer des plaintes le cas échéant.

Outre des spots dans les différents médias, les candidates et candidats ont déployé divers moyens (affiches et bill-boards, meetings publics notamment en province, diffusion de messages de sensibilisation à travers des véhicules mobiles, y compris des cortèges de motocyclettes) en vue d’attirer le suffrage des électrices et électeurs, dans un contexte marqué par une expansion territoriale de l’épidémie de choléra, des manifestations violentes contre l’absentéisme gouvernemental et contre la force onusienne dans le pays, et par une impopularité grandissante des tenants du pouvoir.

« Le processus électoral suit son cours, le gouvernement et la vaste majorité des candidats sont déterminés à ce que ces élections se déroulent comme prévu le 28 novembre », malgré des incidents violents, des manifestations en partie politiquement motivées et une série de difficultés structurelles, déclarait, le mardi 23 novembre, le chef civil de la mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), le guatémaltèque Edmond Mulet.

L’Union européenne (Ue), qui met sur le compte de la frustration et d’un manque de communication les démonstrations de rue anti-Minustah, déroulées dans différents départements géographiques du pays la semaine dernière, ne voit aucun obstacle à la tenue du scrutin de dimanche.

« C’est vrai que les gens pourraient avoir peur de se rassembler (…). Mais il faudrait informer la population que ce n’est pas parce qu’on est ensemble dans un endroit en train de faire la file qu’on va attraper le choléra », indiquait le 22 novembre la cheffe de la délégation de l’Ue en Haïti, Lut Faber.
Pour sa part, l’ambassade américaine à Port-au-Prince, qui n’identifie aucun bénéfice dans un probable report du scrutin du 28 novembre, exhorte les Haïtiennes et Haïtiens à se rendre aux urnes dimanche.

Dans un communiqué, le Conseil électoral provisoire (Cep) « déplore les actes de violence et appelle instamment tous les secteurs de la vie nationale, les partis politiques, les autorités judiciaires et policières en particulier, à collaborer en posant des actions claires, concrètes, et proportionnelles en vue de rétablir un climat stable, calme et serein, nécessaire à l’organisation des élections ».

Beaucoup de personnes n’ont pas pu retirer à temps leurs cartes d’identification nationale (Cin), susceptibles de leur permettre de voter.

Aucun éclaircissement n’est encore donné sur un écart statistique de plus 70 mille inscrits entre le chiffre (4 565 000) publié sur le site de l’office national d’identification (Oni) et celui potentiel (4 694 961) recensé par le Cep.

Sur le terrain, les résultats d’un sondage du Bureau de recherches en informatique et en développement (Brides), rendu public début novembre, placent en première position, au premier tour de la présidentielle, la candidate du rassemblement des démocrates nationaux progressistes (Rdnp), Mirlande Hyppolite Manigat, 70 ans, qui obtiendrait 36% d’opinions favorables contre 20% au candidat officiel Jude Célestin, dans les intentions de vote. [gp rc apr 28/11/2010 08 :30]