Par Wooldy Edson Louidor
P-au-P., 22 nov. 2010 [AlterPresse] --- La psychose de peur qui a régné dans un grand pan de la société dominicaine quant à la propagation du choléra sur leur territoire semble se justifier.
Le premier cas de choléra identifié le 16 novembre en République Dominicaine n’est autre qu’un migrant haïtien qui, selon les premières informations disponibles, était venu d’Haïti après avoir pris des vacances dans son pays natal entre le 31 octobre et le 12 novembre.
Stigmatiser les migrants haïtiens, est-ce pour autant justifiable ? Tout semble indiquer que le choléra offre un terreau pour la stigmatisation des ressortissants haïtiens dans la république voisine.
Nécessité de mesures d’accompagnement pour la mise en œuvre de dispositions contre la propagation du choléra
En dépit du renforcement des contrôles frontaliers, migratoires et épidémiologiques à la frontière commune, les autorités dominicaines n’ont pas pu empêcher l’introduction du choléra sur leur territoire.
Maintenant elles s’attellent à « contenir » et prévenir la propagation de la maladie, en annonçant tout un train de dispositions.
Certaines de ces dispositions gouvernementales visent directement les migrants haïtiens, par exemple l’arrêt temporaire de l’embauche de la main d’œuvre haïtienne dans les secteurs du tourisme et de la construction.
Cependant, sans des mesures d’accompagnement efficaces pour prévenir et punir toute forme de discrimination contre la minorité haïtienne, ces dispositions à l’origine bien-intentionnées (visant à empêcher la propagation de l’épidémie) ne risquent-elles pas d’être utilisées à mauvais escient par des groupes ultranationalistes dominicains et même par des employeurs ?
Un « autre » motif de stigmatisation contre les migrants haïtiens
En outre, les ultranationalistes dominicains ne chôment pas, ils profitent du moindre prétexte pour passer à l’attaque avec leur lourde artillerie : « trop d’haïtiens dans notre pays », « ils sont partout dans notre pays », « c’est une invasion pacifique haïtienne », « ils prennent nos emplois », « ils nous apportent tous leurs maux : misère, maladies, insalubrité, coutumes africaines sataniques », « ils sont une charge sociale »…
Le choléra, considéré comme maladie de la pauvreté, pourrait devenir une nouvelle étiquette collée aux migrants haïtiens.
La maladie pourrait se convertir en un autre motif de stigmatisation contre les migrants haïtiens qui sont déjà accusés par les ultranationalistes dominicains d’être à l’origine de tous les maux connus par le pays voisin dont la pauvreté, le VIH Sida, le sous-développement...
Un nouveau prétexte pour mieux exploiter la main d’œuvre haïtienne
Le choléra pourrait également favoriser l’exploitation de la main d’œuvre haïtienne dans les secteurs du tourisme et surtout de la construction.
L’arrêt temporaire de l’embauche de la main d’œuvre haïtienne dans les deux secteurs susmentionnés ne risque-t-il pas de rendre beaucoup plus vulnérables les droits et la dignité des travailleurs haïtiens ?
Des employeurs ne vont-ils pas profiter de la disposition gouvernementale pour ne pas payer leur dû aux travailleurs de nationalité haïtienne après des jours ou des semaines de dur labeur ? Quelles sont les mesures qui seront prises pour veiller à l’application de cette disposition ? En cas de violation, qui sera puni : le travailleur ou l’employeur ? Comment s’assurer que les autorités migratoires, militaires et policières dominicaines vont respecter les droits des travailleurs haïtiens en faisant appliquer ces dispositions ?... Autant de questions qui exigent des réponses claires.
À l’instar de leur condition de « sans papier », la situation actuelle de présumé « porteur de choléra » peut être instrumentalisée par les employeurs dominicains à des fins de discrimination, d’exploitation et d’abus de toute sorte, quand on connait déjà la vulnérabilité des travailleurs migrants haïtiens dans le pays voisin.
À rappeler que des médias dominicains n’ont cessé, surtout après le 12 janvier 2010, d’attirer l’attention sur le phénomène de l’accélération de la migration haïtienne dans le pays voisin et sur les conditions de vie insalubres dans lesquelles vivent nos ressortissants dans plusieurs bidonvilles ou « ceintures de misère » dominicains.
Ils ont également souligné l’invasion du secteur de la construction et du tourisme par les migrants haïtiens réputés pour leur main d’œuvre bon marché qui sont préférés aux citoyens dominicains par les employeurs.
Des journalistes et des ultranationalistes dominicains, avec une verve par moment agressive, ont insisté sur la nécessité urgente pour l’État dominicain de renforcer le contrôle frontalier et migratoire en vue d’empêcher et de contrecarrer l’arrivée massive des Haïtiens surtout dans les zones touristiques dominicaines telles que Higüey, Bávaro, Punta Caná, Verón.., ainsi que dans les principales villes du pays voisin. [wel gp apr 22/11/2010 09 :00]