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Haïti : silence forcé de plusieurs médias

P-au-P., 13 janv. 04 [AlterPresse] --- Les installations techniques de plusieurs médias haïtiens, dont des radios commerciales indépendantes, ont été attaquées dans la matinée de ce 13 janvier à Boutilliers (sud-est de la capitale) par un groupe d’individus armés.

Les principales victimes de ce sabotage sont les stations privées Kiskeya, Signal FM,
Galaxie, Mélodie FM, Magik, Plus, Commercial ainsi que Radio et Télé Ti Moun, propriétés de la Fondation Aristide pour la Démocratie. Tous ces médias se trouvent présentement dans l’impossibilité de fonctionner.

Selon des témoignages concordants, les assaillants, armés de mitraillettes et de pistolets 9 millimètres, étaient montés à bord de deux véhicules de location. Après avoir maîtrisé le gardien du site abritant les émetteurs de plusieurs médias, ils ont entrepris une opération de démolition des équipements à coups de marteau.

Les dégâts sont énormes, a confié le propriétaire du site, l’ingénieur Fritz Joassaint. Selon lui, un premier calcul sommaire pourrait se situer autour de 400.000,00 dollars américains.

Liliane Pierre-Paul, Directrice de programmation de Radio Kiskeya, a directement accusé l’administration du président Jean Bertrand Aristide d’être responsable de l’attaque. « Qui d’autre en dehors du gouvernement peut perpétrer un tel acte ? », s’est-elle interrogée, lors d’une entrevue à AlterPresse. « N’est-ce pas le gouvernement qui nous accuse sans arrêt de mentir et de donner des problèmes à l’administration Aristide ? », a-t-elle poursuivi.

Liliane Pierre-Paul a souligné que « la presse indépendante est victime d’une campagne systématique de haine » de la part de plusieurs hauts responsables du gouvernement et des médias d’Etat.

Sans vouloir commenter les faits, Marcus Garcia, directeur de Mélodie FM, a, pour sa part, affirmé à AlterPresse qu’ « étant donné la situation de crise, j’aurais tendance à penser que cette attaque revêt un caractère politique ».

Marcus Garcia a toutefois remarqué que « plusieurs types de radios » ont été attaquées, en faisant référence à Radio Ti Moun, qui appartient à la Fondation Aristide.

Liliane Pierre-Paul a minimisé le fait que des medias appartenant à la fondation du chef de l’Etat fassent partie des victimes. « On n’est pas dupe », s’est elle exclamée.

Selon des informations recueillies par AlterPresse, les équipements des médias, hébergés sur le site attaqué, n’étaient pas respectivement identifiés.

Le sabotage des médias « n’enlèvera nullement notre détermination. Nous ne reculerons pas », a dit Liliane Pierre-Paul.

L’action des individus armés pour faire taire les médias a été condamnée par plusieurs associations de journalistes et de défense des droits humains.

Depuis le début des années 2000, 3 journalistes ont été assassinés en Haïti et une vingtaine d’autres ont du quitter le pays. A Port-au-Prince et dans plusieurs régions du pays, des médias et journalistes ont été attaqués, souvent par des partisans du pouvoir.

Dans son bilan annuel titré « 2003, une année noire », publié le 6 janvier dernier, l’association Reporters Sans Frontières (RSF) avait fait savoir que « le gouvernement couvre les agresseurs et, bien souvent, est lui-même l’instigateur » des violences contre la presse.

Reporters Sans Frontières avait dénoncé l’impunité, qui « n’a pas battu en retraite » en Haiti. « L’enquête sur l’assassinat de Jean Dominique (tué le 3 avril 2000) s’est conclue l’année dernière sans que les commanditaires soient désignés », avait souligné RSF.

Les attaques contre la presse se sont intensifiées dans le contexte de l’aggravation de la crise politique, marquée ces derniers mois par de persistantes manifestations anti-gouvernementales.

Reporter Sans Frontière a classé Haïti à la 100ème place sur une liste de 166 pays où la liberté de la presse est bafouée. L’organisation a, depuis 2002, porté le nom du président Aristide sur une liste de 38 prédateurs de la liberté de la presse à travers le monde. [gp rv apr 13/01/2004 16:00]