Editorial du site Gwadaoka
4 janvier 2003
2004 devait être l’année du bicentenaire de la proclamation, le 1er janvier 1804, de la République d’Haïti. Certes, les Haïtiens ont en tête, particulièrement ces jours-ci, la geste des glorieux ancêtres qui boutèrent hors de Saint-Domingue les armées françaises envoyées par Bonaparte pour rétablir la dépendance coloniale et l’esclavage. Mais s’ils pensent à ce bicentenaire, c’est avec l’idée qu’il est temps pour eux de lancer, comme en août 1791 (insurrection de la plaine du nord), comme en avril 1844 (insurrection des piquets), comme en janvier 1946 (insurrection des « 5 glorieuses ») et comme en janvier-février 1986 (dechoukaj de Duvalier), une nouvelle insurrection capable d’amener une égale liberté à tous les enfants d’Ayiti Tonma. Une nouvelle insurrection permettant enfin, après 200 ans d’espérance populaire, l’établissement d’une réelle souveraineté du peuple haïtien qui lui permette d’« obliger les gouvernements et l’Etat à remplir leurs fonctions au bénéfice des citoyens et sous la dictée de ceux-ci » [Jean Casimir, Ayiti Toma Haïti Chérie, Delmas, 2000].
Une révolution populaire visant à l’enracinement de la démocratie en Haïti serait un tremblement de terre qui secouerait - pour commencer - l’ensemble de la grande zone Caraïbe. La prise de souveraineté du peuple haïtien rendrait à Haïti son rôle de « phare des droits de l’Homme et du citoyen ». Rôle qu’elle tînt de la proclamation de l’abolition de l’esclavage par l’assemblée des citoyens du Cap en août 1793, jusqu’à l’accord du président Boyer pour le paiement à la France d’une indemnité de 150 millions de francs-or en échange de la reconnaissance de l’indépendance (En payant pour ce que le peuple avait remporté de haute lutte, Boyer mit un terme au rôle de « Champion des droits du genre humain » que la République d’Haïti avait continué à jouer sous Pétion, notamment auprès des mouvements révolutionnaires et/ou antiesclavagistes des trois Amériques).
Que la première nation des Amériques à garantir, depuis la Conquête de 1492, les droits naturels de l’ensemble de ses citoyens recouvre son droit à disposer d’elle-même, susciterait la naissance ou la renaissance de mouvements démocratiques dans l’ensemble des autres pays caribéens, qu’ils connaissent une indépendance formelleÂ… ou qu’ils demeurent sous la tutelle d’une métropole.
En ce sens, l’espoir haïtien est un espoir caribéen :
Puisse 2004 voir triompher le peuple d’Haïti !
Gwadaoka, 4 janvier 2004.