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Regard (Chronique hebdo)

Lula Da Silva !

Par Roody Édmé *

Spécial pour AlterPresse

Le président Lula quitte le pouvoir après avoir mené à terme un second mandat qui aura gardé intacte et même renforcé sa popularité. Il n’est pas donné à tout chef d’Etat de traverser deux mandats et de demeurer une référence pour son peuple, de rentrer dans l’Histoire par la grande porte.

Le président Lula a du traverser sans être lui-même éclaboussé plusieurs mini-scandales politico-financiers qui ont sérieusement ébranlé son parti des Travailleurs. En bon capitaine, il a guidé le navire à travers les flots déchainés de la politique, les tentations hégémoniques de ses partisans, les coups fourrés de ses adversaires.

Le charisme politique de l’Homme a résidé dans sa capacité à proposer à toutes les composantes de la société brésilienne, un projet commun de pays. Tout en défendant ses idéaux ancrés à gauche, l’ancien métallurgiste a su mettre en place une politique constructive d’intérêts bien compris qui a forcé au respect les classes dominantes et encouragé un compromis politique qui mettait le Brésil avant toute chose. Sous son gouvernement les affaires ont prospéré, les compagnies brésiliennes rivalisent aujourd’hui sur le marché international avec les plus grandes multinationales européennes et américaines. La compagnie brésilienne Pétrobras s’est pointée troisième derrière l’américaine Exxon Mobil et la chinoise Petrochina.

Mais le Brésil accumule aussi des performances dans le domaine de l’agriculture et une de ses entreprises est en passe de devenir le leader mondial dans la fourniture d’intrants agricoles. Une dépêche récente de Radio France International considérait le Brésil de Lula comme la « Ferme » du monde. Mais le géant Sud-Américain a surtout vu sa classe moyenne se renforcer et constituer un vaste marché de consommation intérieure. Les correspondants de la presse internationale parlent de 29 millions de brésiliens qui seraient sortis de la pauvreté, et qui sont aujourd’hui des consommateurs « aguerris ».

Toute chose qui a pour vertu de stimuler la production et doper une croissance qui tutoie celle de l’Inde. La politique étrangère volontariste de Lula a permis de compenser un certain désenchantement du « peuple de gauche » pas toujours confortable avec le pragmatisme du président et les grandes promesses non tenues du « pétisme » historique.

Le leadership incontestable du Brésil en Amérique Latine, fait de lui le noyau dur des intérêts des pays du Sud, un peu à contrario des gesticulations chavistes, sa stratégie est d’assumer la direction des diverses coalitions de pays émergents non dans une confrontation ouverte, mais dans la perspective de réécrire un nouveau chapitre dans la grammaire des relations internationales.

On peut désormais parler d’un modèle brésilien en chantier qui table sur une politique sociale qui se veut agressive et un activisme international bien servi par le chancelier Celso Armorim qui entend obtenir une redéfinition du commerce mondial.

Mais un certain hiatus persiste entre l’Histoire, les réalités du pouvoir et les espoirs des militants de gauche qui fait que le bilan est quelque peu en demi-teinte, que la pauvreté n’a pas été éradiquée, et qu’elle est même dans certaines régions d’une insolence certaine.

N’empêche que ce métallo « frustre » dont certains avaient prédit la déroute populiste, est un exemple pour tous les peuples du Sud.

Son exemple historique prouve que la mal-gouvernance et le sous-développement ne sont pas une fatalité.

* Educateur, éditorialiste