Par Omar DIOUF
Repris de Le Soleil par AlterPresse
Le Monument de la Renaissance africaine a abrité, hier (13 octobre), la cérémonie d’accueil de 163 étudiants haïtiens venus poursuivre leurs humanités en terre africaine du Sénégal. Cela après le tragique tremblement de terre qui a ravagé leur pays, Haïti, le 12 janvier dernier.
Arrivés en bus de l’aéroport, les étudiants haïtiens descendent en ordre et s’installent dans la partie qui leur est réservée sous l’immense tente installée pour les accueillir devant le Monument de la Renaissance. C’est devant ce « symbole de l’Afrique libérée de cinq siècles d’esclavage et deux siècles d’occupation et de domination coloniales », que le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, en présence de son homologue de la Guinée-Bissau, Malam Bacaï Sanha, du Premier ministre du Niger, des chefs du Parlement sénégalais, de membres du Gouvernement, de diplomates et d’une nombreuse foule, leur a souhaité la bienvenue. « Mes collègues, ainsi que vos frères et sœurs du Sénégal, joignent leurs voix à la mienne pour vous dire notre fierté et notre joie de vous compter parmi nous », a lancé Me Wade à l’endroit des 163 étudiants haïtiens. Le président de la République les a rassurés qu’ils sont partie intégrante de nous-mêmes. « Nous vous devons plus que la Teranga. Vous avez une place dans nos cœurs. Vous êtes chez vous en terre africaine du Sénégal, et je vous invite par conséquent à prendre parmi nous toute la place qui vous revient de droit », a-t-il ajouté.
Le Gouvernement, souligne le président Abdoulaye Wade, a mis en œuvre toutes les mesures nécessaires pour la prise en charge académique, sociale et administrative des 163 jeunes haïtiens afin qu’ils puissent poursuivre leurs études dans les meilleures conditions possibles et être demain les cadres qui seront au premier rang de la reconstruction de leur pays dévasté.
A ces jeunes étudiants haïtiens revenus sur la terre de leurs ancêtres par la « grande porte », Me Wade a dit qu’ils ne sont pas en terrain inconnu du peuple caribéen. Selon le président de la République, des générations d’intellectuels et artistes haïtiens les ont précédés ici. Il a cité parmi eux Gérard Chenet, Jean Fernand Brière, Roger Dorsinville et le célèbre couple, « ses amis » Lucien Lemoine et Jacqueline Scott Lemoine, arrivés au Sénégal en avril 1966, à l’occasion du premier Festival mondial des Arts nègres dont la troisième édition se tiendra au Sénégal, du 10 au 31 décembre prochain. Me Abdoulaye Wade a exhorté les étudiants haïtiens à s’inspirer de ces illustres pionniers, figures emblématiques du monde des arts et de la culture sénégalais qui ont, tous, par leur talent exceptionnel, apporté une contribution inestimable au patrimoine national du Sénégal, leur pays d’adoption.
« Vous pouvez le faire parce que je sais que chacun de vous porte en lui une formidable ambition de réussir pour être utile à lui-même, à sa famille et à son pays. Vous pouvez le faire parce que je sais qu’en chacun de vous habite un génie créateur qui ne demande qu’à éclore tel le bourgeon fécondant qui porte l’heureuse promesse d’une moisson future », a-t-il lancé à l’endroit des jeunes étudiants.
Aboutissement d’un long combat
En remerciant Malam Bacaï Sanha, président de la République de Guinée-Bissau et Mahamadou Danda, Premier ministre du Niger, témoins de la cérémonie d’hier, Me Wade, affirme que par leur présence, ils donnent assurément à la manifestation l’élan de solidarité panafricaine que « nous devons à Haïti, première force noire ayant défait le colon pour s’établir en République ». Cette expédition humanitaire concernant 163 étudiants, geste du chef de l’Etat sénégalais, est, selon Lamine Bâ, ministre conseiller auprès du président, chargé des Affaires internationales et des Actions humanitaires, l’aboutissement d’un long combat pour la Renaissance africaine. Chaque étudiant et étudiante haïtiens, selon le ministre conseiller, aura dès aujourd’hui un parrain, une marraine.
« Ce pays est le vôtre, vous y serez accueillis en fils, fille, frère, sœur », a alors lancé le Professeur Iba Der Thiam. En évoquant l’histoire pour rappeler les liens profonds qui lie le Sénégal, l’Afrique, à Haïti et à la diaspora noire, le Pr. Thiam juge que l’accueil des étudiants haïtiens est une merveilleuse leçon d’humanisme, de partage, d’amour dans la pure Téranga sénégalaise. Un don de soi aux autres, qui ne connaît ni race, ni pauvre, ni riche...
Diaspora haïtienne à Dakar
Le Sénégal et Abdoulaye Wade, son président, estime le ministre haïtien de la Jeunesse, des Sports et de l’Action civique, Evans Lescouflair, en choisissant d’accueillir une cohorte aussi importante d’étudiants haïtiens, envoie un signal fort qui revêt une triple signification. « Vous aidez Haïti à se reconstruire, en permettant à sa force vive de se doter de savoir, de savoir-faire l’habilitant à participer à cette tâche de refondation du pays... », a affirmé Evans Lescouflair, chef de la délégation haïtienne et représentant, hier, à la cérémonie de Dakar, le président René Préval, empêché. Visiblement très émue, Jacqueline Scott-Lemoine, artiste d’origine haïtienne et veuve du poète et comédien Lucien Lemoine, a ensuite témoigné et raconté sa passion pour l’Afrique qui dure depuis 1966 aux 163 jeunes étudiants haïtiens. « Le 10 avril 1966, le Sénégal nous accueillait les bras ouverts, avec Téranga, sans même que nous connaissions la signification du mot. Nous étions adoptés, mon mari et moi. Partout où je me suis trouvée en Afrique, je me suis fait des amis. Faites comme moi... », a lancé la doyenne Jacqueline à ses jeunes compatriotes. Elle leur a demandé également de suivre les pas de leurs illustres aînés haïtiens et prédécesseurs à Dakar, avant d’entonner l’hymne national du Sénégal sous les applaudissements du nombreux public présent au pied du Monument de la Renaissance africaine.
Source : http://www.lesoleil.sn/