Par Roody Edmé *
Spécial pour AlterPresse
Un forum des affaires Haitiano-Québécoises s’est tenu la semaine dernière au Québec. Des membres du gouvernement haïtien, du secteur privé du Québec et d’Haïti, l’ambassadeur du Canada à Port-au-Prince ont tous été présents à ces assises. La presse Québécoise a largement relayée cette activité qui a la vertu de maintenir le momentum sur Haïti et cette fois dans une perspective non humanitaire.
Il ne s’agissait pas de considérer Haïti comme un pays à secourir mais comme un pays ou l’on peut faire des affaires. Les participants ne se sont nullement voilés la face sur les difficultés du terrain, mais ont admis qu’elles ne sont nullement incontournables et qu’Haïti est un marché compétitif pour les gens d’affaires capables de faire preuve d’une créativité certaine. Et croyez-moi, Le représentant de la DIGICEL qui s’est confié à un journaliste du Devoir savait de quoi il parlait. Chiffres à l’appui, il a prouvé que notre pays était la « perle des Antilles » dans le champ très en pointe de la communication par téléphonie mobile.
Les Haïtiens attendent donc des femmes et hommes d’affaires capables d’aller au-delà des clichés usuels et usés, des capitaines d’industrie à la hauteur des ambitions régionales de développement économique. Ils attendent que les entrepreneurs Québécois profitent des « avantages culturels comparatifs » entre le Québec et Haïti pour oser la différence. Et pourquoi pas ? Une certaine francophonie des affaires a bien posé quelques pions, il y a deux semaines, en signant des contrats pour une dizaine de millions d’euros pour commencer. Une délégation imposante du Medev, le patronat français, était venue explorer les possibilités d’investissements et, comme de fait, des accords de partenariat ont été signés avec leurs homologues haïtiens. Ce n’était donc pas une visite exploratrice de plus. Les choses sérieuses semblent vouloir commencer et, comme il faut être deux pour danser le tango, les Haïtiens se doivent d’accorder les violons du bal. En mettant en place le climat propice aux investissements, en arrêtant le jeu de massacre aux portes de la campagne électorale, on évitera de mettre en déroute l’argent frileux de potentiels investisseurs qui commencent à lorgner du côté de note île.
Le Québec peut donc bien emboiter le pas, avec une expertise certaine des réalités haïtiennes rendue possible par la proximité géographique et surtout la cohabitation généreuse et de qualité avec une importante communauté haïtienne. L’initiative est d’ailleurs partie d’une organisation de la société civile haïtienne du Québec : les productions Incas. A signaler que le modèle entrepreneurial québécois ne manque pas de look, si l’on veut carburer dans le développement durable. Yves-Thomas Dorval, le patron des patrons québécois affirmait récemment « tout ce qui va dans le sens de l’équité est dans l’intérêt des entreprises…car une main-d’œuvre qui se sent bien traitée est aussi une main-d’œuvre plus productive ».
Ce forum est donc un bon début, des propositions concrètes sont venues sur le tapis. Et si un vent nouveau souffle depuis l’Hexagone, pourquoi pas maintenir cette flamme encore fragile mais têtue qui nous vient de l’Amérique francophone, balise le chemin des affaires haitiano-québécoises. Les bons comptes ne manqueront pas de renforcer cette amitié de qualité qui nous lie au Québec.
Mais attention aux irritants que sont : la bureaucratie légendaire haïtienne, notre culte habituel du déclin et, les détestables surprises de la coopération. Le responsable haïtien du comité de facilitation des Investissements n’a pu, par exemple, se rendre à cette rencontre, faute de visa !
Une fausse note qui rappelle qu’il y a du travail à faire, ici et ailleurs, pour clarifier certaines choses, mais regardons pour une fois le verre à moitié… plein.
* Educateur, éditorialiste