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Les anciennes colonies anglaises et le "général" bush pour la recolonisation d’haïti en 2004 ?

Point de vue

Par Lis Bell

Soumis à AlterPresse le 29 décembre 2003

Au plus fort de la guerre d’Indépendance, le général en Chef Dessalines avait trouvé un appui sûr auprès de l’Angleterre qui, hostile à la France, avait établi un blocus dans les eaux territoriales de Saint-Domingue, fermant ainsi le passage aux troupes coloniales françaises.

Aujourd’hui, à l’aube du bicentenaire de l’Indépendance Nationale, le cabotin du Palais National, demande à un homologue de la République Sud-Africaine, ancienne colonie anglaise, d’intimider les Haïtiennes et Haïtiens par la présence d’un bateau de guerre.

Dérision de l’Histoire ! Mais on n’en est pas à une près, car c’est toute une flopée d’anciennes colonies anglaises qui se mettent en ligne pour la recolonisation actualisée du premier Etat libre et indépendant du Continent. Les esprits équilibrés admettront que, mesuré à l’aune de l’Evangile des Droits humains, il n’ y eut aux Etats-Unis, en 1776, qu’ un transfert de propriété des colons anglais aux nouveaux colons américains car la liberté n’était pas acquise à tous, puisque la grande masse des hommes et femmes africains gémissait sous le fouet et le mépris des soi-disant indépendantistes, dont la devise pourtant, était : IN GOD WE TRUST, En Dieu nous croyons. Ceux et celles qui ne voulaient pas rester à leur place étaient confiés au KU KLUX KLAN pour être pendus.Il fallut attendre le 20è siècle pour qu’un ressortissant à peau noire de ce pays libre et indépendant puisse avoir accès à une place quelconque dans un autobus.

Le Canada, ancienne colonie anglaise, est aussi bien représenté en Haïti par David Lee, chef de la Mission Permanente de l’OEA d’appui à la démocratie. Il parle la même langue que le ’général Bush’. Quand ce dernier persiste à dire : pour la crise haïtienne, voyez l’OEA, c’est comme s’il disait : " voyez-moi". Et M. Lee annonce en dernière heure, que des contacts sont entamés avec le ministre des Affaires Etrangères de quel pays, s’il vous plaît ? Des BAHAMAS, ancienne colonie anglaise. Ledit ministre viendra, dit-on, observer la situation.

Autre ancienne colonie anglaise qui entre en jeu : TRINIDAD-TOBAGO. Le "général" Bush lui a demandé de se préparer à "sécuriser" Haïti. Evidemment, le Trinidad a l’expérience de la coalition de guerre caraïbéene qui avait sécurisé la Grenade de Maurice Bishop.

Quant au CARICOM, formé en majeure partie, d’anciennes colonies anglaises, la presse rapporte qu’elle hésite à venir participer aux cérémonies du Bicentenaire. Décence oblige car un Plan B d’intervention "chirurgicale", en cas de refus têtu des 5 ans, prend déjà corps... Au fait, comment appellera t-on cette nouvelle mission ? Mission d’appui humanitaire du Bicentenaire ? Mission de second retour a la Démocratie ? ou Mission de l’équilibre rééquilibré ? Bof, ce sont des titres sans imagination. Attendons la vraie appellation !

A propos, le mot MISSION nous fait penser aux Nations-Unies. Le cher Koffi Annan, originaire du GHANA, ancienne colonie anglaise, n’a pas pipé mot jusqu’ici. Il attend peut-être des ordres précis ou des suggestions "appropriées" de Washington, le maître à penser et à exécuter ?

En 1987, Washington avait donné le feu vert à l’Armée pour le massacre des votants.

En 1991, suite au Coup d’Etat, les Américains appuient le FRAPH au point qu’ils ne se sont pas gênés pour annoncer que toute restitution de documents se fera après enlèvement des noms de leurs ressortissants.

En 2004, Washington s’appuie sur les corps armés qu’il a lui meme formés (PNH, USGPM, CIMO) pour mater les Haïtiennes et Haïtiens en rébellion contre un ordre inhumain. Et si cela ne suffit pas, les gouvernements des Petites Antilles seraient appelés a la rescousse pour rétablir l’ordre americanus, comme en Grenade, au siècle passé ?

D’ailleurs, Washington est gouverné par un homme avide d’interventions illégales. Si le "général" BUSH n’a pas hésité en compagnie de ses alliés, les Anglais, à "descendre" sur l’Irak à pétrole sans l’accord de la plus grande institution mondiale regroupant plus de 190 pays, les Nations-Unies, quel scrupule le retiendra pour chuchoter à Trinidad Tobago et au CARICOM, qu’ils doivent "descendre" en Haïti pour "régler" le peuple haïtien qui se permet de dire non aux 5 ans de leur cher valet Titid. Cette phrase des supporters lavalassiens est moins banale qu’elle ne paraît : Si Aristide n’est pas là , qui va le remplacer ? ...

Le glissant ministre des Affaires Etrangères, Joseph Philippe Antonio, accusé du reste d’être détenteur d’un passeport américain, devrait pouvoir répondre à cette question : Est-ce que tous les chefs d’Etat attendus en 2004, se feront accompagner d’un bateau de guerre ? Haïti, pays hôte, n’en possède pas. Alors, ce bateau de guerre, c’est pour qui, ou du moins, contre qui ? Nous ne sommes pas une experte en marine de guerre. Nous nous contentons d’avoir bonne mémoire, et nous nous souvenons qu’en 1994, des bateaux de guerre américains étaient alignés dans la rade et servaient de plate-forme aux hélicoptères et avions utilisés pour le déploiement des troupes au sol. Vous me direz , nous ne sommes plus en 1994, Oui, mais nous avons des points chauds comme Gonaïves, Port-au-Prince et le Cap où le nombre des anti-5 ans ne fait qu’augmenter .

Attendre naïvement que la Grande Amérique se charge du "colis encombrant " et nous laisse gentiment maîtres de notre destin politique relève de l’enfantillage, et ne fait guère honneur à nos héroïnes et nos héros. Pour ceux et celles qui auraient une mémoire défaillante, rappelons que Les USA ont attendu plus d’un demi-siècle pour reconnaître l’Indépendance haïtienne ; ils ont catégoriquement refusé la participation d’Haïti à la Conférence de Panama réunissant les nouveaux Etats libres d’Amérique, ils ont bafoué la souveraineté nationale en 1915, ils ont supporté la dictature des Duvalier comme aujourd’hui, ils appuient la dictature lavalassienne au point qu’ils voudraient la voir se prolonger pendant 5 ans, ils ont été complices du Coup d’Etat sanglant de 1991, ils ont formé cette nouvelle Police Nationale anti-nationale, ils admirent en silence la présence des Afrikaners, leurs cousins anglais, car après tout ce ne sont pas des terrorristes d’Al-Khaida, mais de bons supplétifs aux terrorristes d’Etat déjà engagés par l’Etat pro-américain lavalassien contre la population. Ils sont donc les bienvenus : Plus les Haïtiennes et les Haïtiens devront négocier leur survie à genoux et dans le sang, plus la prise sera belle.

Quel crime aura donc commis le peuple haïtien pour qu’il se retrouve aujourd’hui face à cette association de malfaiteurs déguisés en président de la République et diplomates anglais-américains ? Nous le savons tous, la diplomatie, c’est un condensé où se retrouvent 100 pour 100 d’intérêts plus 25 pour cent d’immoralité. Mais, en Haïti, ces deux proportions sont absolues : A l’aube de 2004, la Grande Amérique se montre parfaitement immorale envers le peuple le plus appauvri, le plus affamé, le plus malade, le plus analphabète, le plus mal logé et le plus pourchassé de tout le Continent. La Grande Amérique qui a volé les réserves d’or de la République d’Haïti en 1915, veut à tout prix étouffer la voix de millions d’Haïtiens qui disent non a un "président" corrompu au-delà de toute mesure. Qui se ressemble s’assemble dit l’adage...

Cela dit, HAITI sait bien reconnaïtre et honorer les grands américains pétris d’idéal humaniste et solidaire comme le Sénateur du Massachussetts, CHARLES SUMNER, qui supporta le diplomate haïtien Arthur PRESTON, dans son combat pour le respect de l’intégrité du territoire vers la fin du 19è siècle contre les vautours qu’on appellerait aujourd’hui, les "chimères" de Washington pour répéter l’ex-ambassadeur américain, Brian Dean Curran. Une voie à Port-au-Prince, porte le nom de l’illustre parlementaire.

En attendant que de nouveaux Charles Sumner se manifestent aux cotés du peuple haïtien, le leadership revendicatif progressiste national, plus que jamais, se doit d’être vigilant, lucide, réaliste et précis sur les enjeux de l’heure et la meilleure stratégie pour laisser un héritage de dignité aux générations futures.