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Haïti/Justice : Cri d’alarme sur l’élargissement "suspect" de 17 présumés bandits

P-au-P., 29 mai 06 [AlterPresse] --- Plusieurs organismes haïtiens de défense et de promotion de droits humains ainsi que différents représentants d’autres secteurs, y compris de la Police Nationale d’Haïti (PNH), et de simples citoyennes et citoyens expriment, cette semaine, leur indignation face à l’attitude jugée "douteuse" de magistrats, qui ont décidé de relaxer des bandits considérés comme de dangereux repris de justice.

L’ensemble de ces secteurs s’interroge sur la coïncidence entre l’arrestation, suivie de détention depuis 8 jours, de Jean-Yves Noà« l, directeur général de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), la libération en cascade de plusieurs présumés criminels et les menaces d’une clique mafieuse contre l’officier de police Michael Lucius, responsable de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).

Tandis qu’un examen judiciaire, pour des motifs non révélés, serait en cours contre l’UCREF chargée d’entreprendre, depuis 2004, diverses investigations sur des détournements de fonds au détriment du trésor public national et d’autres manœuvres de corruption dans l’administration publique haïtienne, un plan serait ourdi par juges, avocats, membres de l’Administration Pénitentiaire Nationale (APENA) et détenus pour attenter à la vie et à celle de la famille du responsable de la DCPJ qui, en plus de rechercher les auteurs des crimes et délits, a dénoncé en janvier 2006 la collusion de magistrats avec de présumés criminels.

L’Institut Mobile haïtien d’Education démocratique (IMED) pose des questions sur l’élargissement de 17 présumés criminels par des juges, sous « prétexte » de dossiers non complets ou de la limitation des places dans les prisons.

« Les juges feraient mieux de traiter les dossiers en souffrance au lieu de livrer la population aux griffes de ces individus accusés de meurtres, de kidnappings, de viols », se révolte Kettly Julien de l’IMED, interrogée par l’Agence en ligne AlterPresse.

Du nombre des présumés criminels libérés, figure Robenson Bien-Aîmé, alias « Ti Ben », appréhendé par des agents du Commissariat de Port-au-Prince le 5 avril 2006 pour son implication présumée dans l’enlèvement, la séquestration et le viol de la dame Marie Ange Barthélemy (66 ans), le 23 novembre 2005 à la 3e Ave Bolosse, sortie sud de la capitale.

Déféré au Parquet du Tribunal civil de la capitale par la DCPJ le 5 mai 2006, Bien-Aîmé a été libéré le 13 mai 2006 sans aucune forme de procès. Aujourd’hui, il serait l’un des principaux suspects dans l’assassinat, perpétré le 19 mai 2006 sur la personne de Lucienne Heurtelou, veuve de l’ancien président Dumarsais Estimé (1946 - 1950).

Harold Gaspard, un ex-policier écroué pour des forfaits, s’est évadé du Pénitencier national lors des événements du 19 février 2005. Appréhendé de nouveau le 15 janvier 2006 pour son implication dans un cas de vol de véhicules, il est libéré le 12 mai 2006 « sans aucune forme de procès ».

Johnny Cicéron, « individu extrêmement dangereux, membre féroce d’un gang se recrutant dans les séquestrations de personnes", a été arrêté par la DCPJ le 4 mai 2004 pour son implication dans l’enlèvement de Mme Anna Masucci Cianculli le 21 mars 2004 et de celui de Juan Jaar le 28 avril 2004. Evadé de prison à la faveur des événements du 19 février 2005, il a changé d’identité, se faisant appeler Sylvio Délisca.

Activement recherché, Cicéron a été appréhendé le 14 octobre 2005 pour son implication dans l’assassinat du policier Daniel Myrthil, le 6 juin 2005 à la rue Caravelle, et dans l’enlèvement, séquestration et assassinat du journaliste Jacques Roche, le 10 juillet 2005, à Port-au-Prince. Il est libéré le 22 mai 2006 « sans aucune forme de procès ».

La dirigeante de l’IMED déplore l’étroite relation entre les individus nouvellement remis en liberté et l’assassinat de Lucienne Heurtelou Estimé.

Au cours des funérailles de la défunte le samedi 27 mai 2006, le directeur de la PNH, Mario Andrésol, a regretté que les assassins de la première femme ambassadrice d’Haïti soient pour la plupart des bandits récemment libérés par les autorités judiciaires contre de fortes sommes d’argent.

« Avec de tels agissements, veut-on livrer le pays aux gangs armés ? » s’interroge, avec amertume, l’Institut Mobile d’Education Démocratique, questionnant les zones d’ombres de telles actions de la part des juges.

Reconnaissant l’exiguïté des centres d’incarcération en Haïti et les failles contenues dans certains dossiers de la direction centrale de la police judiciaire, soumis aux autorités de la justice, l’organisme de droits humains critique toutefois la méthode utilisée pour tenter de résoudre ce problème.

L’agence en ligne AlterPresse n’a pas pu s’entretenir avec les responsables de la PNH, introuvables au téléphone pendant la journée du 29 mai.

Dans l’intervalle, le directeur de la DCPJ Michael Lucius, cité par la station privée radio Kiskeya, dénonce un vaste complot ourdi par des secteurs « mafieux » dont des magistrats, des avocats, des agents de l’Administration pénitentiaire nationale (APENA), des détenus et des bandits activement recherchés par la Police pour attenter soit à sa vie, soit à celle de ses enfants ou de ses proches.

Les comploteurs, qui auraient confié aux présumés bandits susnommés la mission d’exécuter l’officier de police judiciaire, chercheraient à impliquer le responsable de la DCPJ lui-même dans des dossiers louches, comme des actes de kidnapping, révèle Lucius dans une correspondance adressée au commissaire du Gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, Me Fredd’Herck Lény, en date du 25 mai 2006.

En dépit de tout, Lucius manifeste sa détermination à lutter contre la criminalité en Haïti. [lf rc apr 29/05/2006 16:00]