Paris, 29 oct. 04 [AlterPresse] --- A Paris, c’est la maison de l’Amérique Latine qui a accueilli la délégation du groupe des 184, le samedi 23 octobre 2004. En tournée en Europe, durant la fin du mois d’octobre, la délégation de ce regroupement d’associations de divers secteurs de la société haïtienne a rencontré la diaspora et les amis d’Haïti, en France et en Belgique.
Les représentants des 184, qui ont joué un rôle important dans les mobilisations qui ont abouti à la chute de l’ancien Président Jean Bertrand Aristide en février dernier, ont présenté le projet de « contrat social » ainsi que les personnalités qui se sont porté volontaires pour représenter le groupe en France. Il s’agit entre autres de Elliot Roy et Paul Baron.
Prenant la parole au nom du groupe, l’écrivain Yanick Lahens a mis l’accent sur le fait que « Haïti est une nation bâtie sur l’exclusion ». En 1804, nous avons mis fin à l’esclavage pour créer une « colonisation intérieure », a déclaré la représentante des intellectuels au sein des 184. En 1986, a-t-elle poursuivi, « nous n’avons pas cherché à résoudre les problèmes de fond. Et les dernières années ont consacré l’échec des idéologies traditionnelles. » C’est ce constat alarmant qui est à l’origine de la démarche du groupe des 184.
Depuis trois ans déjà , des représentants de secteurs variés et de tendances contradictoires se réunissent tous les lundis afin de se parler et se remettre en question. L’objectif du « contrat social », disent-ils, c’est d’éliminer les exclusions.
Ce n’est pas un projet fini qui a été présenté dans les réunions tenues avec la diaspora haïtienne à Paris et a Bruxelles. La méthode de travail des 184 consiste en la réalisation de plates-formes dans les différentes villes du pays et maintenant dans la diaspora. Au sein de ces plates-formes, on discute du projet et fournit des propositions qui seront incluses dans le document.
La troisième étape c’est la réunion des différentes plates-formes pour une assemblée générale en vue de l’adoption du document final du projet de contrat social. Ce document sera remis au gouvernement de transition et aux partis politiques pour analyses et propositions.
En dernier lieu, le document final sera discuté et adopté au cours d’une grande réunion qui aura l’appellation d’assemblée générale de la nation ou conférence nationale. Le contrat social doit sceller un ensemble d’engagements que les différents secteurs du pays prendront avec eux-mêmes et avec la nation toute entière. Il comprendra deux types de documents dont un « passeport pour la citoyenneté ».
L’assistance a félicité la cohérence de la démarche du groupe des 184. Mais le « contrat social » vise l’avenir. Ainsi, il ne répond donc pas aux questions ponctuelles qui se posent en Haïti aujourd’hui. La vie chère augmente, le chômage et l’insécurité ne diminuent pas, les travaux d’infrastructures n’ont même pas été entamés, la question des anciens militaires n’est pas résolue, des groupes armés se disant partisans d’Aristide reprennent du service, la justice est lettre morte et les élections incertaines.
Ces inquiétudes sont apparues clairement dans les interventions des participants à la réunion de Paris. Malgré le départ de Jean-Bertrand Aristide, le pays peine à retrouver ses marques. Et quand un journaliste africain demande aux 184 « qu’est-ce que vous faites ? parce que depuis sept mois nous n’avons rien vu venir », l’homme d’affaires André Apaid souligne que depuis février le groupe s’était écarté de la scène politique. Ce silence, précise le coordonnateur des 184, s’explique par un « choix du groupe de sortir de la conjoncture pour travailler sur le fond ».
Mais depuis quelques semaines les 184 ont repris le manteau de protestataire pour dénoncer l’inaction qui caractérise le gouvernement provisoire, a fait savoir André Apaid. Ils veulent surtout « aider l’équipe en place à mettre plus de cohérence » dans la gestion de la chose publique.
« La transition est dans une impasse difficile, estime André Apaid, et tout doit être fait pour sa réussite. » Il assure que la question des « chimères lavalas » (partisans violents d’Aristide) va être résolue dès la deuxième semaine du mois de novembre.
Le document final du contrat social devrait être prêt en février 2005, avant le début prévu de la campagne électorale. André Apaid a rappelé qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections. Les 184 ne soutiendront aucun parti politique, ni candidat, a-t-il affirmé. Le groupe se contentera de donner des « critères de choix d’un bon candidat » au cours des élections de l’an 2005. [aw gp apr 29/10/2004 13:45]